* * * * * Textes divers, dont une chronique "En marge du site Mireille Sorgue".

Bienvenue...

sur le blog de François Solesmes,
écrivain de l'arbre, de l'océan, de la femme, de l'amour...,
dédicataire de L'Amant de Mireille Sorgue.


Le 1er et le 15 de chaque mois, sont mis en ligne des textes inédits de François Solesmes.

Ont parfois été intégrées (en bleu foncé), des citations méritant, selon lui, d'être proposées à ses lecteurs.


La rubrique "En marge du site Mirelle Sorgue" débute en juin 2009 , pour se terminer en juin 2010 [ en mauve]. Deux chapitres ont été ajoutés ultérieurement, dont un le 1er octobre 2012. A chercher, dans les archives du blog, en mai 2010 (1er juin 2010), à la fin de la "Chronique en marge du site de Mireille Sorgue".
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BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE

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LA FEMME
Les Hanches étroites (Gallimard)
La Nonpareille (Phébus)
Fastes intimes (Phébus)
L'Inaugurale (Encre Marine)
L'Étrangère (Encre Marine)
Une fille passe ( Encre Marine)
Prisme du féminin ( Encre Marine)
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L'AMANTE
L'Amante (Albin Michel)
Eloge de la caresse (Phébus)

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L'AMOUR
Les Murmures de l'amour (Encre Marine)
L'Amour le désamour (Encre Marine)

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L'OCEAN
Ode à l'Océan (Encre Marine)
Océaniques (Encre Marine)
Marées (Encre Marine)
L'île même (Encre Marine)
"Encore! encore la mer " (Encre Marine)

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L'ARBRE
Eloge de l'arbre (Encre Marine)

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CRITIQUE
Georges de la Tour (Clairefontaine)
Sur la Sainte Victoire [Cézanne] (Centre d'Art, Rousset-sur-Arc)

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EDITION
Mireille Sorgue, Lettres à l'Amant, 2 volumes parus (Albin Michel)
Mireille Sorgue, L'Amant (Albin Michel) [Etablissement du texte et annotations]
François Mauriac, Mozart et autres écrits sur la musique (Encre Marine) [ Textes réunis, annotés et préfacés]
En marge de la mer [ Texte accompagné de trois eaux-fortes originales de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Galets[ Texte accompagné des trois aquatintes de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Orages [ Texte accompagné d'aquatintes de Stéphane Quoniam] Editions "à distance".

Textes publiés dans ce blog / Table analytique


Chroniques
Mireille Sorgue
15/03/2009; 15/06/2009-1er/06/2010
L'écriture au féminin 1er/03-15/12/2012
Albertine (Proust) 15/01-15/02/2011
Les "Amies" 1er/03-1er/04/2011
Anna de Noailles 1er / 11 / 2017 - 1er / 01/2018
Arbres 1er/06-15/08/2010
L'Arbre en ses saisons 2015
L'arbre fluvial /01-1er/02/2013
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 15/10 - 15/11/2015
Mireille Balin 15/11/10-1er/01/2011
Rivages 15/02-15/04/2013
Senteurs 15/09/2011; 15/01-15/02/2012
Vagues 1er/10/2011-1er/01/2012
"Vue sur la mer" été 2013; été 2014; été 2015; été 2016
Aux mânes de Paul Valéry 11 et 12 2013
Correspondance
Comtesse de Sabran – Chevalier de Boufflers 15/01/14-15/02/14
Rendez-nous la mer 15/03 - 1/06/2014
Séraphine de Senlis 2016

Textes divers
Flore

Conifères 15/06/2014
Le champ de tournesols 15/07/2010
La figue 15/09/2010
Le Chêne de Flagey 1er/03/2014
Le chèvrefeuille 15/06/2016
Marée haute (la forêt) 1er/08/2010
Plantes des dunes 15/08/2010 et 1er/11/2010
Racines 1er/06/2016
Sur une odeur 1er/03/2009
Une rose d'automne 15/12/2015-15/01/2016
Autour de la mer
Galets 1er/07/2010
Notes sur la mer 15/05/2009
Le filet 15/08/2010
Sirènes 15/09/2018
Autour de la littérature
Sur une biographie (Malraux-Todd) 1er/05/2009
En marge de L'Inaugurale 1er/01/2009
Sur L'Étrangère 15/06/2010
De l'élégance en édition 15/06/2009
En écoutant André Breton 15/01/2009
Lettre à un amuseur public 1er/02/2009
Comment souhaiteriez-vous être lu? 1er/06/2009
Lettre ouverte à une journaliste 1er/09/2011
Maigre immortalité 10 et 11 / 2014
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 2015
La Femme selon Jules Michelet 2016
La Mer selon Jules Michelet 2016
Gratitude à Paul Eluard 1/05/2016

Autres textes
L'ambre gris 15/10/2010
Ce qui ne se dit pas 15/06/2010
La blessure 1er/12/2015
La lapidation 1er/09/2010
Où voudriez-vous vivre? 1er/04/2009
Pour un éloge du silence 1er/10/2010
Sur le chocolat 15/04/2009
Annonces matrimoniales 15/04/2011
Tempête 15/02/2009
Le rossignol 1er et 15/05/2011
Nouveaux Murmures mai et juin 2013
Variations sur Maillol 15/01/15
Sexes et Genre 02/15 et 01/03/15
Correspondances


OEUVRES INEDITES
Corps féminin qui tant est tendre 1er janvier - 1er septembre 2018
Provence profonde 15/10/2016 - 15/10/2017
Sirènes (pièce en 5 actes) 1er octobre - 1er décembre 2018


dimanche

15 décembre 2013 AUX MANES DE PAUL VALERY (II, 4)


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Ce poème achevé [La Jeune Parque], dites-vous à Frédéric Lefèvre, dans vos Entretiens avec lui : «  j'ai fait presque aussitôt, et d'abondance, Aurore et Palme, comme si la raideur et la longueur de mon effort étaient récompensées par une légèreté et une aisance qui ne peuvent succéder qu'à quelque entraînement rigoureux et volontaire. »
Les vers que vont vous inspirer les femmes aimées, à partir de 1921, et que vous joindrez à vos lettres, témoignent d'une virtuosité de poète rompu à toutes les formes poétiques – du psaume à l'odelette, de l'élégie à la romance, de l'imitation de Pétrarque aux tirades raciniennes ; le sonnet, pour partie libéré des servitudes du genre, y tenant une place de choix.
Car, hormis les rares poèmes à Catherine Pozzi, sa poésie adamantine « obligeant », ce sont des vers le plus souvent gracieux, voire badins, que vous composez. Réguliers mais allégés des « chaînes » dont vous bridiez ceux de Charmes. La diversité de la métrique accroissant le sentiment de spontanéité. Jamais plus que dans le Corona et Coronilla inspiré par Jeanne Léviton.
Les images abondent mais nulle obscurité ne fait obstacle à une immédiate intelligibilité. Nous voici, avec mauvaise conscience, témoins d'aveux, de confidences, de plaintes d'ordre tout intime, et d'autant que l'érotisme qui affleure dans l'œuvre publiée, se déclare ici continûment (« Ma main sur ton genou se sent pleine de toi »), au point que nombre de poèmes trouveraient place sans dissonance dans le Livret de Folastries de Ronsard.
Le corps aimé est évoqué, sans omettre le sexe – calice, corolle, « aux doux bords braisés » (« Epitre au vide ») « Et qui dort aux plus doux bords des ombres de ma chair » dit « Polydore », l'un des noms que vous donnez à l'ultime aimée.
Le sexe, donc, « Cette grotte où le plaisir pleure » (« Ode vivante ») – et qu'il est donc délectable de « boire à la source », à la « Sombre et profonde rose, antre d'ombre odorante » [Ce vers en capitales.]
L'Acte même (« Les nus bien joints, leurs sources mieux que jointes ») est l'unique thème de « l'Ode vivante » : « Deux amis sont en nous qui viennent d'être amants. »
Ah, que vous n'étiez donc pas ce Prince du pur Esprit que vos écrits publics publiaient ! Et que tous les tourments d'amour que nous révèlent vos derniers vers ont de quoi vous rendre proche !
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Vous rêviez de récréer l'Unité primordiale, seul moyen d'atteindre au divin ; vous aspiriez à épancher enfin une tendresse innée, si durement contenue : « Ô pour ma soif de toi seule et d'esprit / Est-il au monde une autre récompense / Qu'être à nous deux la tendresse qui pense ? » (Coronilla)
Votre ultime amour fut une éditrice (de « Cours du droit »), pragmatique, souvent en voyage, aimant bijoux et vie mondaine, que l'on croit entendre dire, comme la Nina de Rimbaud : – « Et le bureau ? » ; ce qui tire de vous maintes plaintes amères.
« Je te vois, grande, belle et nue, ô Jeanne d'ambre / Qui t'envoles superbe à peine après l'amour […] ». Vous la dîtes « lointaine / Même quand je la tiens », et, lamentant ses absences, vous l'hallucinez ; assez lucide, néanmoins, pour percevoir que l'échange n'est que de surface, et qu'elle donnerait raison au mot si contestable de Léautaud : « Les hommes aiment, les femmes se laissent aimer. »
Lucidité qui vous dicte des vers tels que : « Suprême Rose, Orgueil de mon hiver / Ô le plus beau malheur de mon histoire » (« A la Pétrarque ») ; « Mon amour est de crainte et vit dans les alarmes » (« Elégie »), « Et voici que le vieux mot : JE T'AIME, a pris le sens JE TE CRAINS » (« Psaume »)
Vous apparteniez à son brillant tableau de chasse littéraire. Vous êtes-vous demandé comment très vite, dissipée la vanité d'être votre muse, cette femme chez qui le réalisme prévalait, accueillait vos lettres et poèmes ? Sans doute avec la distance qui est nôtre à leur égard.
Vous écrivez, en 1943 : « Le grand dessein est de donner un sens nouveau à ce qui est Amour ou Œuvre – Alors l'amour est une œuvre – L'Oeuvre est acte d'amour. Ceci entendu au sens le plus précis. Je m'entends l'amour devenant une œuvre […]
« J'ai fait ce que j'ai pu pour que le thème monotone de l'amour reparaisse, se fasse entendre à l'octave supérieure – […] » (Cahiers, II, pp 545-546)
N'est-il pas à craindre que votre inspiratrice n'ait trouvé monotone, malgré tous vos efforts, ces manifestations d'un amour qu'elle partageait à un moindre degré ?
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Dès 1938, vous lui aviez dit, dans « Psaume » : « Tu peux me créer ou me détruire. » Le dimanche de Pâques 1945, elle vint vous annoncer son prochain mariage avec l'éditeur Robert Denoël. Et vous lui écrivez alors : « Ma bien-Aimée / Un jour si beau / Le malheur vint / D'entre tes lèvres » ; « Je croyais que tu étais entre la mort et moi / Je ne savais pas que j'étais entre la vie et toi. »
Puis, le 22 mai 1945 : « Il dépend de ton cœur que je vive ou je meure / Tu le sais à présent si tu doutais jamais / que je puisse mourir par celle que j'aimais. »
La maladie aidant, vous quittez ce monde le 20 juillet suivant, laissant votre Faust inachevé.
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Vous pensant alors aimé avec passion de la « Suprême Rose », vous aviez écrit, à partir de 1940, les trois premiers actes de Lust, partie d'un ensemble conçu pour être votre Faust.
Vivacité, alacrité des dialogues, étincelante perfection de la langue, vous faites dire à votre Faust, mais c'est vous que j'entends, dans la scène 5 de l'acte II : « Serais-je au comble de mon art ? Je vis. Et je ne fais que vivre. Voilà une œuvre … »  Premiers mots d'un fabuleux panégyrique en l'honneur de la VIE, de tous nos sens ; amorce d'une scène d'amour où triomphe l'esprit en ses ressources et modalités. S'y pressent l'œuvre que seuls eussent pu produire amour et esprit se fécondant mutuellement, et que l'acte IV et dernier devait illustrer, accomplir.
Il ne fut jamais écrit. En subsistent des ébauches dans les notes sur Mon Faust (Œuvres, II, pp 1351 et 1608) ainsi que dans vos Cahiers, II, pp 542, 548, 556.
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Vous faites, de Lust, une secrétaire capable de donner la réplique à son génial interlocuteur. Une seule, je le redis, parmi les femmes que vous avez aimées, eût pu tenir ce rôle, hors de toute fiction. Et vous l'avez d'emblée perçu, et n'aurez cessé, après huit années d'affrontements avec Catherine Pozzi, d'en rechercher, d'en inventer le substitut.
Renée Vautier, tant aimée, tant en vain poursuivie, vous inspira cette remarque désabusée : « Il s'aperçut que les relations quand il n'y fournissait pas tout devenaient rien. » (Cahiers, II, P506)
Que vous apporta une Jeanne Léviton, hormis son corps ? La pensiez-vous en mesure de réaliser cet idéal : « Les vrais amants ne font qu'un seul artiste qui essaient de créer cette œuvre : l'amour […]
« Il est dans leur étreinte comme une idée du plus haut prix est enveloppée dans la pensée, – présente, certaine, et inexprimable, saisie et non saisie – comme un joyau cousu dans une soie. […]
« Je sais, je sens que je ne suis pas seul – Donc je suis. Tu es, donc je suis. Mais je suis, donc tu es. » (Cahiers, II, p1607) »
Pensez-vous que, recevant l'une de vos lettres extatiques dont vous nous donnez la teneur (Cahiers, II, p 1608), elle s'écriait : « Ô lettre, tu changes tout. Comment penser ? »
Vous aviez pourtant conscience que seuls deux êtres d'exception pouvaient faire, de leur amour, une Œuvre sans seconde. Ne peut-on s'étonner, de surcroît, qu'un analyste acéré de l'humain ait si mal connu la femme ? L'œuvre à laquelle aspire une femme plénière, capitale, c'est, par sa conformation, sa physiologie, sa sensibilité – l'enfant. L'homme, surtout aimé, est d'abord, à ses yeux, l'instrument, le garant de cet accomplissement. Catherine Pozzi, se croyant enceinte de vous, décida de garder l'enfant – au péril de sa vie ! Qu'eût-il advenu, de l'œuvre sublime dont vous rêviez ?
Ceci encore. Une amoureuse souhaite – fort imprudemment – une présence constante de l'être aimé. Vous-même souffriez des absences de votre maîtresse : « ainsi j'ai soif de ta présence à tout moment. » Mais vous savez ce que pensait Catherine Pozzi de vos multiples soirées dans les salons littéraires, de vos incessants dîners en ville, de vos innombrables déplacements en France et en Europe. Et si la réalisation de votre « grand œuvre » s'accommodait mal des sujétions de la gloire ?
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Je vous laisse le dernier mot sur l'amour : « Toutes les amours finissent mal. Il est impossible de penser à un développement sans arriver nécessairement au dégoût, à la trahison, au mensonge, à la dissolution dans l'ennui, à l'instabilité. » (Cahiers, II, p438)
Le dernier mot, encore, sur votre pièce : « Comment écrire Lust IV ? Le sujet est aussi peu théâtre que possible. Il est amour comme je le conçois – et je l'ai vu périr 2 fois – » (Cahiers II, p552)
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« Lust IV – Pour écrire cet acte si difficile, car ce que je veux qu'il soit m'apparaît mais ce que je dois vouloir m'échappe, il faudrait que j'aie – une fois !– le courage d'être moi […] Ce sont des êtres exceptionnels à créer, c'est-à-dire à faire imaginer … par un public presque quelconque…
« Je suis mon seul modèle. Car Lust et Faust sont moi – et rien que moi.»
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« Il osa trop mais l'audace était belle » a-t-on dit de Ronsard. Votre pièce inachevée, écrite en « un style qui épouse toutes les sautes de l'esprit », vous montre « au comble de [votre] art ».
Et la scène d'amour entre Faust et Lust peut prendre place auprès de celle entre Mesa et Ysé ; auprès du dialogue d' « Etroits sont les vaisseaux ». Pour vous l'avoir inspirée, il sera beaucoup pardonné à la « médiocre » Jeanne Léviton.
La pièce eut des spectateurs – qu'elle ravit. Elle ne sera plus représentée : Pierre Fresnay n'est plus là pour incarner votre Faust. Et quel public se presserait à présent pour en savourer les diapreries ? 
Il est un « théâtre dans un fauteuil », des pièces à lire chez soi, pour une soirée de gala. Elle en fait partie et tenez-le pour un privilège, au vu des « spectacles » que des énergumènes nous infligent sur la scène.
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SUR LA TENDRESSE
[Textes de Paul Valéry]
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Par moment, la folie du contact me saisit avec une telle intensité que j'en ai les mains coupées et les larmes aux yeux.
La tendresse monte et m'étouffe, prend une forme exaspérée ; elle m'est comme un appel mystérieux d'abîmes où je me jetterais. Elle est une chose en moi bien différente de l'impulsion sexuelle connue, laquelle peut se satisfaire selon la formule, et suit, en somme, un cycle simple, et qui doit l'être … » […]
L'Ange et la Bête, si tu veux. J'appelle donc Tendresse l'effusion mêlée de désespoir, de douceur, de fureur, d'énergie, d'étreintes et d'esprit, une familiarité qui parcourt les organismes et les pensées conjugués, et en fait je ne sais quel monstre achevé, quelle œuvre enfin, qui ne peut-être. »
Lettre à Jeanne Léviton
citée par Bernard de Fallois dans sa post-face à  : Corona et Coronilla
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Études pour Béatrice
De la Tendresse –
Sentir, laisser paraître que l'on ne peut résister à l'effet de quelqu'un sur nous. Voix adoucie – regards noyés – mollesse du sourire. Marques générales de l'abandon, du céder à soi-même quant à un autre. Relâchement. Ineffabilité. Apparition de l'intime sur les traits et dans l'attitude.
Le profond se rend involontairement ; se fait facile ; Trouble.
Commencement d'un mouvement …
Paul Valéry, Cahiers, Bibl. de la Pléiade, II, 434-35
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« Tendresse » Sens de ce terme ?
– Evasion dans la faiblesse, dans un évanouissement doux et insupportable presque … Opposer à tout sa / une / faiblesse
– Nudité du moi qui se dépouille de tout ce qui le revêtait et le rendait tout autre qu'un petit enfant. Perdre connaissance dans la douceur.
Cette faiblesse échappe à toute force.
Ibid, pp 541-542
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Tendresse, moment où le Moi se dépouille de ce qui le revêtait, le déguisait, le distinguait du tout petit enfant qui est en chacun de nous, essentiel et caché, le germe ou le sentiment tout pur de vivre. Tendresse est une faiblesse de nature divine, une perte de connaissance dans la douceur. Quoi de plus fort que cette faiblesse qui nous dérobe à toutes forces, aux événements, aux prévisions, aux idées …
Ébauches de « Mon Faust », Paul Valéry, Œuvres,
Bibliothèque de la Pléiade, II, p 1413,
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[À 20 ans], je me faisais de mon mieux l'Ennemi du Tendre  de toutes les forces des sources de ma tendresse désespérée – C'est un drame singulier. J'ai créé alors l'Idole de l'Intellect et son grand prêtre – l'illustre Monsieur T – contre les terribles puissances du cœur.
Que serais-je devenu si, à cet âge, j'avais rencontré celle qui m'eût rendu ce que je périssais de ne pas donner – et si d'autre part, quelque circonstance m'eût permis de vivre à loisir ? Après tout, ce sont des choses non impossibles.
Ma question est celle-ci : qu'aurais-je attribué à l'esprit, qu'aurais-je fait du mien dans ces conditions ? […]
La grande tentation de ma vie aura été d'épouser quelques choses – mes possibilités de sentir et penser – non de faire une œuvre au sens ordinaire. »
Lettre à Jeanne Léviton, 8 / 9 mai 1940
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La vie ne m'aura pas permis de sentir s'épancher de moi toute la tendresse dont ma nature se sent capable. Peut-être l'idée fixe que je me fais depuis toujours de cette effusion est-elle une sorte d'absurde création de mon esprit.
Lettre à Jeanne Léviton, 13 août 1944

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1er décembre 2013 AUX MÂNES DE PAUL VALERY (II,3)



II
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Quelle part de forfanterie entrait dans les lignes que vous adressiez à Pierre Louïys, le 14 septembre 1890, sous le titre « MOI » : « Les femmes sont pour lui de gracieux petits animaux qui ont la perverse habileté de détourner sur elles l'attention de trop d'esprits. On les place au sommet des autels de l'art et nos élégants psychologues ( !) savent mieux – hélas – noter leurs bouderies de chienne, leurs grifferies de chatte que démonter le difficile cerveau d'un Ampère, d'un Delacroix, d'un Edgar Poe » ?
Deux ans plus tard, vous souffrirez toutes les affres de la passion pour une Mme de Rovira qui ne sut jamais, faute que vous l'abordiez, quel amour elle vous inspirait.
Ce qui vous fit, en une nuit d'orage, répudier toutes les « idoles » de chair pour ne vous consacrer qu'à celle de l'Intellect.
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Mouvement d'orgueil blessé ? Totale méconnaissance d'une nature sensuelle, d'une sensibilité affinée, d'un esprit qui vous faisait préférer Restif à Voltaire ?
La rencontre, en 1921, de Catherine Pozzi balaya en une soirée, toute prévention contre l'affectif.
Avec elle, d'une intelligence corrosive, capable de rivaliser avec la vôtre, éprise de vos écrits, remarquable écrivain – ses Journaux et poèmes, publiés après sa mort, en témoignent –  vous alliez pouvoir, barrage rompu, épancher une tendresse trop longtemps contenue.
Bien plus tard, vous ferez dire à votre Faust, dans l'acte IV jamais achevé : « Oui, l'idée à l'état naissant et renaissant – leur alliance me rend fou par l'acte d'y penser. […] » ; « Nous serions comme des Dieux, des harmoniques intelligents dans une correspondance immédiate de nos vies sensitives, sans parole, – et nos esprit feraient l'amour l'un avec l'autre comme des corps peuvent faire. […]. Nous ferions des moments comme l'on procrée, des moments qui seraient dérobés au désordre de la vie ordinaire qui est accidentelle et faite de lambeaux … »
Nul doute que Catherine Pozzi eût pu être, seule parmi les femmes que vous avez aimées, celle avec qui réaliser cette œuvre sans pareille où chair, amour, esprit, tendresse, se combinant, se fussent mutuellement fondus et fécondés.
Mais, grande bourgeoise fortunée, prompte à la morgue, au mépris, au décri, ombrageuse, écorchée vive, retorse en sado-masochisme, elle était de ces femmes aux si du chantage et qui sans cesse vous réclament des « sacrifices-preuves ».
(Qu'elle qui se vantait, dans son Journal, de se vêtir chez les couturiers en renom, ait eu la bassesse d'âme de vous reprocher des emplois à ses yeux indignes de vous, aurait dû vous en détacher sur le champ.)
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Ce que furent, pendant huit ans, les modalités de votre enfer affectif, nous le savons aujourd'hui par la publication de La Flamme et la Cendre où ce qui échappa à l'autodafé de vos lettres commandé par elle, parvient néanmoins à faire pièce à l'intégralité de ses diatribes au vitriol.
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Catherine Pozzi, dans son Journal de jeunesse, se disait sensuelle. Elle se plaint vite de vos exigences charnelles et, tôt, les repoussera, ajoutant pour vous la frustration aux avanies qu'elle vous inflige.
Pour haïssable que soit cette femme, une question me vient que j'ose à peine formuler. Apollinaire écrivit la chanson du « Mal-aimé » et vous auriez été, à la fin de votre vie, plus fondé que lui à en composer l'équivalent. Mais si on ne peut, certes vous imputer les … débordements que Marie Laurencin reprochait à son amant, êtes-vous sûr que toutes les femmes raffolent de l'haleine empuantie des fumeurs invétérés ? Si votre âge ne cessa, de plus en plus, de vous rendre soucieux dans vos liaisons, je ne le crois pourtant déterminant, la « petite dame » de Gide le prouve.
On sait votre boutade, si pertinente, selon laquelle « Ce que l'homme a de plus profond en lui, c'est sa peau. », mais consultant l'index des thèmes de vos Cahiers publiés, je fus frappé par l'absence des mots contact, caresse, peau, toucher – et corps féminin. L'acte, la volupté, furent maintes fois objets de votre réflexion ; cet acte, à vos yeux « l'acte même […], le type plus digne d'observation – peut-être le plus complet qui soit […] ». En revanche, apparemment, les préliminaires ne retiennent guère votre attention, quand on attendrait, dans vos écrits privés, de nouveaux « blasons » célébrant tout ou partie du corps de votre partenaire. Et notre regret s'avive de ces lignes de la section « Eros » qui font rêver à ce que vous en auriez pu écrire : « Quelle étrange que ce qui est bon ! Ce parfum – cette crème de lait – le tour de ce col, et de mes mains, la descente par les épaules sur les seins – jusqu'à la formation du solide du torse selon une douceur continue du toucher, et une suite de modulations de forces dans mes doigts, de pressions et de glissements au contact, qui rendent l'âme créatrice de ce qui s'offre à cet acte de place en place et de meilleur en meilleur. Je te fais et te refais. – Je ne puis abandonner cette action par excellence, perdre ce chant de mes mains. » Cahiers, T.II, pp 529-530
*
Il n'est d'homme au tempérament lascif qui ayant épousé par convenance une femme parfaite compagne et mère, mais fort bigote, n'excuserait son pareil de demander aux filles de joie des privautés qui n'ont cours dans l'alcôve conjugale. (Une confidence de votre ami Richard Anacréon, à qui je ne la demandais.) Je doute seulement qu'en des lieux où temps et argent se confondent, vous ayez pu parfaire : L'art de la Chambre à coucher.
D'où ma question, dont je mesure l'indécence, posée au « mal-aimé » que vous aurez été : « Quel amant fûtes-vous, Paul Valéry ? »
*
L'universitaire admiratrice de votre œuvre, Emilie Noulet, – qui, par parenthèse, se dit choquée par l'impudicité de vos lettres – ne fut, semble-t-il, qu'une de ces maîtresses que le sort vous accorde pour meubler les intermèdes, les … « intermittences du cœur ».
Vous alliez connaître en revanche, avec votre sculpteur Renée Vautier tous les tourments de la passion non payée de retour ; où vous découvrez que le génie, la gloire, les instances pressantes, variées, peuvent échouer devant l'inaffection – ce qui est pour vous sujet d'étonnement.
Des femmes miment, à s'y méprendre, l'amour. D'autres en sont incapables. On vous accordera considération ; on en sera peut-être flattée ; les meilleures s'en voudront de ne pouvoir répondre à vos prières : cœur, chair, esprit, demeureront chez elles spectateurs.
Renée Vautier vous inspirera donc cette remarque désabusée : « L'expérience m'a montré que ce que j'ai le plus désiré ne se trouve pas dans l'autrui – et ne peut trouver l'autre capable de tenter sans réserve l'essai d'aller jusqu'au bout dans la volonté de … porter l'amour où il n'a jamais été. – Cet amour a contre lui la médiocrité humaine. » (Cahiers, II, p.556)
*
Fûtes-vous du moins aimé de votre dernière maîtresse, Jeanne Léviton, qui put se reconnaître sous les traits de Héra dans vos Histoires brisées, « être superbe et redoutable », « dangereusement charmante » ?
Avec elle, vous alliez aimer jusqu'au désespoir, une femme d'affaires non toujours limpides sachant « tenir tête à son cœur », comme le recommande Léon Brunschvicg qui vous annonça un jour, tout de go, qu'elle épousait quelqu'un ; et qui, plus tard, mettra aux enchères le millier de lettres et les recueils de poèmes qu'elle vous avait inspirés.
Avec elle non plus, bas-bleu de surcroît sous le pseudonyme de Jean Voilier, vous n'aurez pu donner substance à cette note de vos Cahiers : « Le mélange d'Amour avec Esprit est la boisson la plus enivrante. L'âge y joint ses profondes amertumes, sa noire lucidité donne valeur infinie à la goutte de l'instant. »
Qu'elle dut sourire, se reconnaissant dans votre Hera, de lire que, pour vous, « l'intimité en acte devient une sorte de communion secrète, quand une tendresse sacrée et une signification d'alliance la relève et lui donne valeur d'un moyen de la plus profonde identification de deux êtres. »
Vous lui écrivez, le 13 avril 1945 : « Je finis ma vie en vulgarité, victime ridicule à mes propres yeux, après avoir cru l'achever dans un crépuscule d'amour absolu incorruptible et de puissance spirituelle reconnue par tous comme sévèrement et justement conquise. »
*
Mais ne savions-nous pas qu'un esprit supérieur, maître en introspection, peut se conduire en collégien face à cette Etrangère qu'est toute femme pour l'homme ?
Même quand il a fait délivrer à son Faust s'entretenant avec son disciple, ce précepte capital : « Prenez garde à l'Amour ». Tout en dénonçant, en ses Cahiers, « le piège épouvantable de la tendresse. »
                                 

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