XVIII
Les côtes rocheuses sont le théâtre d'incessants affrontements, de sièges, d'assauts , de canonnades à boulets feutrés.
Le privilège des côtes sablonneuses, est de nous offrir des salves d'épanchements d'un lait de chaux à fines résilles, dont la lèvre bien ourlée, se fait , de bonne grâce, bracelets de chevilles. Et quel pétillement de fraîcheur vous donne ici un pas délié, infatigable ! Une bruine ascendante pour masque de beauté astringent.
Voir la blancheur, en expansion, se ruer à vos pieds ; fouler un champ de candeur, dans une ovation d'innocence, d'ingénuité, c'est – enfance retrouvée – , sentir toute noirceur d'âme vous quitter dans une absolution plénière.
Ce sont les présences matérielles dont on s'avise, qui ravivent en nous les ombres de l'être imparfait que nous sommes. Mais s'avancer dans l'immaculé que rien n'altère, dont rien ne nous distrait, pris dans un geste large qui, à la fois sème à la volée, efface, et qui répand l'uniformité, place l'humain dans un climat d'épiphanie.
A longer une côte rocheuse, l'encombrement du regard est de mise, l'incongruité constante. Jamais l'estran ne vous procure la sensation d'une aise illimitée, sans entraves, que vous donne une plage droite, indéfinie, festonnée de caresses à paume rasante, quand on la suit le matin ; l'alvéole des pas anciens comblé, en témoignage du lustre du monde d'avant l'homme.
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La mer en ses évolutions a ses classiques, assurés du succès.
L'homme blasé, que rien n'étonne, la voudrait prodigue en tours de force. Il attend qu'elle se surpasse en amoncellements, croulements à grand bruit, retournements, voltes et cabrements.
Celui qui goûte peu les tréteaux de foire lui sait gré de se conformer à l'image qu'il en gardait : une mer de parade s'avançant vers le rivage, par lignes successives, discontinues, de fantassins à burnous. Sans heurt, comme à pas glissés, une troupe qui prendrait position.
Discipliné, sans rien de belliqueux, on gagne l'emplacement assigné pour s'y répandre en tournoiements de robe de derviche tourneur.
Burnous, robes de laine ? Et si l'on brandissait de longues banderoles en signe de reddition ? Peut-être ce monde est-il recru d'affrontements. Nul fracas de canonnades ne trouble les airs. « On n'oit que les fontaines » disait le poète. A coup sûr, le chuintement d'un sable qu'on désaltère ; celui de l'écume qui éclot.
C'est une mer traitable, qu'on pourra affronter torse à torse ; ses nappes, à hauteur des chevilles d'un enfant, élargissant son rire car c'est merveille que ces onctions de neige tiède, prodiguée à foison, et néanmoins insaisissable.
En bref, une mer domestiquée, accourant à vous comme un attelage de chiens de traîneau. Quasi familiale : on l'a brave, sur la plage, pour le plaisir aigu de craindre et d'espérer qu'elle effacera, d'un coup de langue, enceinte et tour de sable que vous avez édifiés.
Là-bas, lignes franchies, des hommes, des femmes, inclus dans la pulpe des flots, s'allègent de leur pesanteur dans un échange d'énergies où connaître la griserie de la lévitation.
Là-bas, lignes franchies, des hommes, des femmes, inclus dans la pulpe des flots, s'allègent de leur pesanteur dans un échange d'énergies où connaître la griserie de la lévitation.
Et le contemplateur de croire entendre, dans une rumeur de conque portée à l'oreille, le dernier vers de « La jeune Captive » : « Ma bienvenue au jour me rit dans tous les yeux ».
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Images Ph Giraudin