Une forêt de feuillus nous prodigue, au printemps, en été, une discrète allégresse. La même forêt d'automne vous couvre d'or flottant et l'on invoque Danaé. La chaleur résiduelle de l'été a pris formes et couleurs. Une palette de Fauve s'éploie autour de vous, propre à réjouir et désespérer le peintre.
Marchant sur des rebuts de mégisserie, d'atelier de reliure, on suit une allée – une nef –, au fond de laquelle tombe, d'un puits de jour, une brume bleue. Le trésor de la cathédrale reluit de toute part. Le silence des beaux jours était traversé de glissements, ponctué de cris d'oiseaux, à présent assourdis, raréfiés. La forêt d'été était insensiblement ascendante, exultante. La voici comme tassée sur soi, et résignée. Un adieu sourd de chaque chose, diffusant la mélancolie de ce qui fut. L'arbre porte beau, mais ses couleurs sont celles des plages, au soir, quand le reflux se prononce et que la mer, comme lui, s'effeuille.
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L'automne fait de l'arbre un être éploré, ainsi de ces visages d'où tombent, silencieuses, des larmes.
Ici, Jean Giraudoux, dans Provinciales, nous prévient : « Ne croyez pas que les feuilles mortes tombent d'un coup, comme les fruits mûrs, ou sans bruit, comme les fleurs fanées. »
Ni de la même façon, ajouterait le contemplateur, lequel tient pour un cliché ce que lui enseignaient les poésies, les chants de son enfance. Certaines feuilles, de fait, « tombent en tourbillonnant », mais, avec la défeuillaison, toutes les figures de la chute se rencontrent : c'est affaire de limbe, de condition atmosphérique. Telle feuille descend en vol plané ; telle autre en une chute verticale, selon un fil à plomb, comme ne pouvant attendre, ou perdant la tête. Celle-là dévale des escaliers d'air ; cette autre, reprise par un souffle, est le caillou plat qu'on lance pour le voir ricocher sur l'eau …
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Que le vent survienne et fustige l'arbre, une troupe de feuilles le quitte, tournoie, désemparée et s'abat en pluie sèche, élargissant la jonchée rousse sur le sol. Mais c'est par temps calme, quand elles se détachent une à une, qu'un sentiment d'implacabilité vous gagne.
Rien qui puisse ralentir, interrompre, ce qui a tous les dehors de la sénescence, de la déchéance. Ce ne sont pas seulement ces couleurs de couchant, mais ce dépouillement auquel le grand âge incline.
On peut faire de l'automne sa « saison mentale » ; on peut aussi y percevoir émané de la nature entière, explicité par l'arbre, le célèbre : « Encore un moment, Monsieur le bourreau ! » - de la Comtesse du Barry - et voir, dans la chute des feuilles la puissance d'attraction de la Terre, notre origine et notre fin.
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Photo Riby/Pix
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Photo Riby/Pix