* * * * * Textes divers, dont une chronique "En marge du site Mireille Sorgue".

Bienvenue...

sur le blog de François Solesmes,
écrivain de l'arbre, de l'océan, de la femme, de l'amour...,
dédicataire de L'Amant de Mireille Sorgue.


Le 1er et le 15 de chaque mois, sont mis en ligne des textes inédits de François Solesmes.

Ont parfois été intégrées (en bleu foncé), des citations méritant, selon lui, d'être proposées à ses lecteurs.


La rubrique "En marge du site Mirelle Sorgue" débute en juin 2009 , pour se terminer en juin 2010 [ en mauve]. Deux chapitres ont été ajoutés ultérieurement, dont un le 1er octobre 2012. A chercher, dans les archives du blog, en mai 2010 (1er juin 2010), à la fin de la "Chronique en marge du site de Mireille Sorgue".
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BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE

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LA FEMME
Les Hanches étroites (Gallimard)
La Nonpareille (Phébus)
Fastes intimes (Phébus)
L'Inaugurale (Encre Marine)
L'Étrangère (Encre Marine)
Une fille passe ( Encre Marine)
Prisme du féminin ( Encre Marine)
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L'AMANTE
L'Amante (Albin Michel)
Eloge de la caresse (Phébus)

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L'AMOUR
Les Murmures de l'amour (Encre Marine)
L'Amour le désamour (Encre Marine)

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L'OCEAN
Ode à l'Océan (Encre Marine)
Océaniques (Encre Marine)
Marées (Encre Marine)
L'île même (Encre Marine)
"Encore! encore la mer " (Encre Marine)

*
L'ARBRE
Eloge de l'arbre (Encre Marine)

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CRITIQUE
Georges de la Tour (Clairefontaine)
Sur la Sainte Victoire [Cézanne] (Centre d'Art, Rousset-sur-Arc)

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EDITION
Mireille Sorgue, Lettres à l'Amant, 2 volumes parus (Albin Michel)
Mireille Sorgue, L'Amant (Albin Michel) [Etablissement du texte et annotations]
François Mauriac, Mozart et autres écrits sur la musique (Encre Marine) [ Textes réunis, annotés et préfacés]
En marge de la mer [ Texte accompagné de trois eaux-fortes originales de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Galets[ Texte accompagné des trois aquatintes de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Orages [ Texte accompagné d'aquatintes de Stéphane Quoniam] Editions "à distance".

Textes publiés dans ce blog / Table analytique


Chroniques
Mireille Sorgue
15/03/2009; 15/06/2009-1er/06/2010
L'écriture au féminin 1er/03-15/12/2012
Albertine (Proust) 15/01-15/02/2011
Les "Amies" 1er/03-1er/04/2011
Anna de Noailles 1er / 11 / 2017 - 1er / 01/2018
Arbres 1er/06-15/08/2010
L'Arbre en ses saisons 2015
L'arbre fluvial /01-1er/02/2013
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 15/10 - 15/11/2015
Mireille Balin 15/11/10-1er/01/2011
Rivages 15/02-15/04/2013
Senteurs 15/09/2011; 15/01-15/02/2012
Vagues 1er/10/2011-1er/01/2012
"Vue sur la mer" été 2013; été 2014; été 2015; été 2016
Aux mânes de Paul Valéry 11 et 12 2013
Correspondance
Comtesse de Sabran – Chevalier de Boufflers 15/01/14-15/02/14
Rendez-nous la mer 15/03 - 1/06/2014
Séraphine de Senlis 2016

Textes divers
Flore

Conifères 15/06/2014
Le champ de tournesols 15/07/2010
La figue 15/09/2010
Le Chêne de Flagey 1er/03/2014
Le chèvrefeuille 15/06/2016
Marée haute (la forêt) 1er/08/2010
Plantes des dunes 15/08/2010 et 1er/11/2010
Racines 1er/06/2016
Sur une odeur 1er/03/2009
Une rose d'automne 15/12/2015-15/01/2016
Autour de la mer
Galets 1er/07/2010
Notes sur la mer 15/05/2009
Le filet 15/08/2010
Sirènes 15/09/2018
Autour de la littérature
Sur une biographie (Malraux-Todd) 1er/05/2009
En marge de L'Inaugurale 1er/01/2009
Sur L'Étrangère 15/06/2010
De l'élégance en édition 15/06/2009
En écoutant André Breton 15/01/2009
Lettre à un amuseur public 1er/02/2009
Comment souhaiteriez-vous être lu? 1er/06/2009
Lettre ouverte à une journaliste 1er/09/2011
Maigre immortalité 10 et 11 / 2014
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 2015
La Femme selon Jules Michelet 2016
La Mer selon Jules Michelet 2016
Gratitude à Paul Eluard 1/05/2016

Autres textes
L'ambre gris 15/10/2010
Ce qui ne se dit pas 15/06/2010
La blessure 1er/12/2015
La lapidation 1er/09/2010
Où voudriez-vous vivre? 1er/04/2009
Pour un éloge du silence 1er/10/2010
Sur le chocolat 15/04/2009
Annonces matrimoniales 15/04/2011
Tempête 15/02/2009
Le rossignol 1er et 15/05/2011
Nouveaux Murmures mai et juin 2013
Variations sur Maillol 15/01/15
Sexes et Genre 02/15 et 01/03/15
Correspondances


OEUVRES INEDITES
Corps féminin qui tant est tendre 1er janvier - 1er septembre 2018
Provence profonde 15/10/2016 - 15/10/2017
Sirènes (pièce en 5 actes) 1er octobre - 1er décembre 2018


vendredi

1er mai




En marge su site de Mireille sorgue


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XV- Exister


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2 - La belle âme


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« Ce que je pourrai faire pour Mireille, au-delà des maladresses et des hésitations, sera la plus grande fierté de ma vie. » (20 février 1985)


« Le peu que j'ai fait jusqu'ici pour Mireille n'a jamais été indigne d'elle. » (Mai 1985)


Que voilà donc de nobles paroles ! Dommage qu'elles soient de pure façade !


C'est dix fois que j'ai rappelé à l'ayant droit que Mireille m'avait écrit dès le 12 février 1964 : « Je ne suis pas du tout contente que tu aies lu ces pages de « La Revue du Tarn » qui n'auraient jamais dû paraître. C'est peut-être charmant, cela ressemble à ce que j'étais alors, je ne les aurais pas écrites un an plus tard. Maman y aime sa gentille petite fille. Je ne veux plus être gentille pour… d'autre que toi. En tout cas c'est bien tout. (Je n'aurais jamais dû raconter ces choses-là qu'à ton oreille.) »


Ce qui est à rapprocher de ces lignes : « Désir de crever cette insignifiante apparence gentille, pour que mon vrai visage respire aujourd'hui. » [Je souligne.] (22 juin 1963) ;


« Mais je ne suis pas charmante, n'est-ce pas ? et ce que j'écrirai ne le sera pas non plus. Et qui m'a dite gentille, mignonne ? » (31 janvier 1964)



À grand douleur parce que méconnu des siens, un cygne chanteur a pris son essor « pour que [son] vrai visage respire ». Qu'il meure, et l'on peut faire confiance à la basse-cour natale pour ramener sa figure à de rassurantes dimensions. Quand le plus haut lyrisme vous est étranger, que la littérature ne vous importe, on peut, avec bonne conscience, pratiquer la confusion des genres et mêler des essais de voix aux plus rares accents. (Lesquels, il est vrai, furent accueillis par la famille ainsi que je l'ai rapporté au chapitre VIII [la célébration de la main]).


Il se trouvera bien une solennelle jeune crétine, « autorisée » par l'ayant droit patrimoniale, pour vilipender en un style de bas-bleu, « ceux [moi, en l'occurrence] qui voudraient enfermer Mireille dans une prison de cristal. »


En vain aura-t-elle désavoué ses souvenirs d'enfance : il n'est personne qui, ayant approché… l'héritière (par usurpation), ne soit reparti avec ces pages « charmantes » et la consigne de les évoquer. Ce que ne manquèrent pas de faire, bien sûr, l'auteur du mémoire… mémorable, puis le préfacier de la dernière édition de L'Amant, et j'en oublie, cependant que la référence est partout où la main de la petite sœur a pu l'y glisser. Et je conviens que ni L'Amant, ni les Lettres ne font le poids face à ces quelques pages où, merveille !, miracle !, Mireille parle de ses premières années et commente plaisamment une fessée qu'elle reçut de son père pour avoir escaladé un mur.


Elle a bien pu m'écrire, quand je l'assurai que la « Célébration de la Main » qu'elle venait d'achever, méritait d'être éditée : « Bien sûr que j'ai grande envie de "devenir une moderne Louise Labé" puisque tu crois que je le peux, mais je n'ai pas envie qu'on me reconnaisse. Les autres par leur simple curiosité sont terriblement voraces . » (27 octobre 1965) Et au vieil Ami, le 8 mars 1964 : « N'est-ce pas que vous me préférez un peu farouche, exclusive, même si vous déplorez parfois que je sois secrète ? », puis, quelques mois avant sa mort, le 13 janvier 1967, à Mme Piquet : « il ne me plaît pas de voir ma vie ordonnée, étudiée, cataloguée ». Et c'est dire combien elle aurait souscrit à ces lignes de Marguerite Yourcenar : « la grossière curiosité pour l'anecdote biographique est un trait de notre époque, décuplé par les méthodes d'une presse et de media s'adressant à un public qui sait de moins en moins lire. »


La farouche, la secrète Mireille, pour user de ses propres mots, ne se doutait pas que celle qui m'écrivit (la façade, encore et toujours) : « Sa fin n'appartient qu'à elle » procèderait vite au déballage de sa vie, avec une prédilection marquée pour le mot de suicide. Mais la très obscure jouissance qu'il y a à l'écrire ou à le prononcer, quand on fut longuement humiliée de marcher, selon l'expression de l'intéressée, « à deux pas derrière elle » !


(Ici, une parenthèse : puisqu'on agit ainsi « au nom de la vérité », par souci d'une transparence chère à Mireille, comme l'écrit l'auteur du mémoire, on souffrira, je pense, que je complète l'avantageux portrait de l'ayant droit, dû le vernis s'en écailler.)


N'était pas davantage « indigne de Mireille » l'édition que la petite sœur fomenta pour le « Livre de poche », fruit, je l'ai dit, de sa haine pour les précédents « éditeurs », mais aussi de son désir de donner un rayon de gloire à ses fidèles approbateurs – tout en existant souverainement.


Si bien que l'intéressée doit compter cette édition proprement indécente parmi les plus grandes fiertés de sa vie !


En bref, tout se passe comme si ce qui peut affaiblir, gauchir, voire maculer la figure de l'aînée, et qui eût horrifié celle-ci, recevait l'assentiment de la petite sœur, et son gracieux concours. Il était donc naturel qu'elle se déclarât très satisfaite d'une adaptation des Lettres proche parfois du vacarme, et que metteur en scène et actrice, celle-ci « remarquable », il va de soi, fussent mis à l'honneur dans l'édition de L'Amant.


Au vrai, il y avait eu un précédent, et de taille. On nous soumit pour autorisation, un texte « composé » par le directeur d'une troupe, et qui mêlait, dans un pitoyable salmigondis, des extraits d'écrits de Mireille et de lettres du sieur Higelin, accompagnés de jeux de scène burlesques.


J'interdis, bien sûr, pareille pantalonnade mais, bien sûr aussi, la petite sœur l'autorisa – et les représentations purent avoir lieu. En quelle ville ? À Toulouse !


Je donne ici une partie de la lettre que j'adressai alors à l'ayant droit.


« J'en arrive à me demander si vous avez perdu le sens commun – ce qui serait du moins une excuse.


Mais j'imagine que le style de pacotille du sieur Higelin a su vous séduire – et l'on n'a vraiment que l'embarras du choix en fait d'exemples :


"Il y aura une source de soleil, ruisselante, qui éclaboussera votre corps de lumière.


" L'étoffe lourde et soyeuse de ses rayons ardents qui enrobera votre éblouissante nudité…


"… mes lèvres se précipitent avec volupté sur le divin calice que votre féminité leur tend…"


Ne vous gêne pas davantage qu'on mette bout à bout des phrases de L'Amant prélevées, picorées, sur une dizaine de pages. Ce qui est avoir une haute idée de l'écrivain et de son art, et du respect qu'on leur doit.


Et non plus de voir mêler Mireille à ce dialogue :


" Elle : Je te trouve un peu ab-eh- un peu fatigué.


Lui : Je picole un peu.


Elle : ça se sent."


Et, plus loin – et tous ceux qui la connurent reconnaîtront là son style : "Je vous adore tant de ce caractère en diamant, sans tache, abrupt, âpre, et puis si doux, si délicat… "


Ne vous gêne pas davantage qu'on l'évoque en ces termes :


"Vous étiez amère parfois, vous doutiez de tout, vous disiez même que la vie est con !" (Ce qui est tout à fait Elle !)


Non, rien de cela ne vous gêne.


Et non plus de la voir représentée en vieille – Elle, dont la trajectoire récuse précisément la vieillesse – aux côtés d'un ivrogne, sur un banc de jardin public ou le plus souvent au café – l'un de ses lieux favoris, comme on sait ! (Il est vrai que, jeune, elle danse le tango !)


Comme vous avez l'esprit large, et que nous n'en sommes plus au temps où l'on se demandait gravement s'il fallait ou non maintenir le mot orgasme sur lequel elle avait hésité [ c'était l'heureux temps des scrupules ], cela ne vous gêne toujours pas de voir ce passage de L'Amant : "Tu es curieux de moi je le sais…"morcelé pour l'insertion de répliques aussi remarquables que :


"Ce serait trop facile ! On veut, et puis on ne veut plus, et puis on reveut !"


– "Hein ?"


– "Ah ! ben évidemment si vous me faites plein de choses, plein de "mamours" et de câlins, comment voulez-vous que je refuse ?..."


– "On sait par où tenir son amant… !"


Ni que cet autre fragment : "Mon pauvre amour tes yeux hésitent" qui évoque la fin de l'acte amoureux, soit "parlé et chanté" pendant que "derrière les coulisses (sic), on entend des bruits de combat, de scène de ménage, de vaisselle cassée".


J'ai parfois, dans mes précédents réquisitoires, eu la crainte de me montrer injuste envers vous. Aujourd'hui, je sais que j'étais très en deçà de ce que vous méritez d'entendre.


La "belle âme" que vous savez être à l'occasion a pu m'écrire qu'elle se demandait à chaque instant ce que Mireille aurait souhaité, et qu'elle ne redoutait rien de moins qu'un faux-pas en la matière. Le vrai est que le "bradage", au nom des bons sentiments, n'aura de cesse qu'avec votre dernier souffle, tant il vous importe d'"exister", hélas à ses dépens.


Car je vous le dis, le spectacle que vous avez autorisé est consternant, pitoyable et surtout scandaleux. C'est par de telles mascarades que vous pensez gagner des esprits, des cœurs, à l'œuvre de votre sœur ? Il n'est pas un être de goût qui ne s'en éloignerait, après avoir assisté à cette petite infamie intellectuelle. »



Je prie qu'on m'excuse : il fallait aussi longuement citer. Oui, c'est bien l'ayant droit patrimoniale qui, en toute connaissance de cause, autorisa ce… spectacle d'histrions. La même qui devait déclarer plus tard avec rage : « Je suis bien décidée à ne pas laisser François Solesmes manipuler et défigurer l'œuvre de Mireille ! »


Sur ce point, la postérité sera juge, mais, en fait de citations, je ne crains aucune phrase de mes lettres « aux femmes de la famille » ni à autrui, que Mireille eût désapprouvée.


Il est patent que « la petite sœur » et moi n'avons pas connu la même. Je fais donc mes excuses aux admirateurs de ses pages de « La Revue du Tarn » : je n'ai fréquenté que celle qui m'écrivait, le 8 mars 1964 :


« je ne sais aimer que comme on croit, aveuglément, absolument, désespérément ; dans cet élan est toute ma force, toute ma richesse – et la virtualité de l'art : car je n'ai que cela à dire, cela essentiel, dont je veux témoigner pour que d'autres aient le désir d'être plus vivants… »

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jeudi

15 avril









EN MARGE DU SITE DE MIREILLE SORGUE



* * * * * * * * * XV - EXISTER


* * * * * * * * * * ** * (1) LE SITE
Je n’ai rien contre les associations d’amis d’écrivains : j’appartiens à plusieurs d’entre elles et je conçois que ceux qui les animent mettent à profit les ressources d’internet pour étendre le rayonnement d’une œuvre.
La petite sœur, qui a un problème d’existence (l’humiliation causée dans l’enfance et l’adolescence par une aînée trop brillante et trop aimée, étant un commode alibi à maintes sortes de démissions), la petite sœur que Mireille a expressément chargée, comme on sait, de la « faire vivre », ne pouvait donc manquer de créer un site « afin de contribuer au rayonnement de son œuvre » et de « mettre à la disposition des chercheurs et des biographes tous les documents existants nécessaires à la connaissances des écrits, de la personnalité, et de l’histoire de Mireille. »
(S’agissant de sa personnalité, je crois avoir quelque peu contribué à la faire connaître par cette chronique – et s’il y avait une justice, on devrait me faire membre d’honneur de l’Association de ses amis.)

J’ai déjà noté, au chapitre I, combien la biographie donnée sur le site est révélatrice de l’esprit très « famille » qui a présidé à sa rédaction, et combien celle-ci va faire sourire – de pitié – les biographes de l’avenir. Par parenthèse, je relève à nouveau, comme je l’ai fait pour l’édition « maison » de L’Amant, quelle fascination le mot de suicide exerce sur l’inspiratrice de l’entreprise : on le trouve dès l’avertissement qui met judicieusement en garde les lecteurs de l’œuvre publiée contre les « élagages » auxquels j’ai procédé lors de l’établissement du texte. Les coupures ayant été faites, comme il est dit, « à [mon] appréciation ou à [ma] convenance », ce qui les rend nécessairement suspectes. (Mais qu’on se reporte plutôt au chapitre II qui leur est consacré : certaines, rétablies, sont pleines d’enseignement.)
De la bibliographie, rien à dire. J’aurais été marri d’y figurer non loin de l’auteur d’un mémoire « autorisé » et qui fut d’abord refusé malgré le judicieux commentaire des pages de « La Revue du Tarn » qu’on y trouvait.
Quant aux poèmes, deux lignes suffisent à les présenter, et le lecteur, s’il n’a pas lu le tome I des Lettres, ignorera toujours dans quelles circonstances ils furent écrits, à quel point la crise sentimentale qui détermina leur naissance fut longue et douloureuse. Or, il est assez de passages des lettres de septembre à décembre 1962 qui, cités, auraient donné à chaque morceau son éclairage, alors que proposés comme en vrac, ils n’ont aucune justification. Mais, à l’évidence, on a le souffle court quand il s’agit de présenter le moindre texte.
Je m’imagine, ne sachant rien de l’auteur et découvrant le site qui lui est consacré. Comment n’y pas voir un déballage de fonds de tiroirs ou de vide-grenier, mêlant, à quelques pièces remarquables, des textes tels qu’un adolescent un peu doué peut en écrire ? De quoi être perplexe devant l’enthousiasme de la critique qui paraît dans les extraits de presse – rapporté au fatras qu’on me met sous les yeux… à la paresseuse ou, si l’on veut : en dilettante. (Écrivant ce mot, me reviennent en mémoire des lettres de Mireille regrettant le « vernis mode » de sa sœur La façon dont ce site est tenu en serait-il une nouvelle manifestation ? et faut-il croire qu’on a, jusqu’ici, conservé le séduisant vernis de ses jeunes années ?)
En tout cas, si l’on espère accroître ainsi le rayonnement de l’œuvre, on se trompe fort, tout en bafouant cyniquement les volontés de l’auteur que l’on prétend servir. Non que ces juvenilia doivent demeurer sous le boisseau : j’ai assez manifesté ma désapprobation quand j’entendais le bruit du papier qu’on déchire ; mais les écrits désavoués par leur auteur figurent dans l’édition des Lettres que j’ai préparée (et qui attend que quelques lustres aient mis les ayant droits patrimoniaux hors d’état de nuire) à la place qui leur revient : dans le supplément qui clôt chaque volume des Lettres. Et non… j’allais écrire : sur la place publique, une place à présent élargie aux dimensions de la planète.

Ceux qui auront lu les multiples citations dont j’ai nourri cette « chronique », auront approché la seule Mireille qui nous importe, et qui vaut aux yeux des lettrés – haute, rigoureuse, acharnée, aux terribles mépris pour la médiocrité, quelle que forme qu’elle revête, quels que soient les oripeaux dont elle se pare – et ici, comment ne pas penser à tout ce qui fut encouragé, « autorisé » ou accompli par une sœur si admirable, n’est-ce pas, de dévouement envers une si chère mémoire ?
Ceux-là, oui, auront mieux fait connaissance avec l’un de ces êtres qui, ayant payé au prix le plus élevé leur volonté de dépassement, doivent être crus sur parole – ce qui rejoint le propos de Pascal : « Je ne crois qu’aux témoins qui se font égorger. »
Dès lors, ces lecteurs de bonne foi jugeront à la fois dérisoire et scandaleuse cette dernière tentative pour se réapproprier la… fugitive, pour la faire réintégrer la sphère familiale – dont on sait par quels efforts désespérés elle s’en arracha ; « les femmes » faisant leur affaire de son œuvre et de sa figure, à peine fût-elle empêchée de se révolter.

Je n’avais pas prémédité cette chronique, mais je suis doublement heureux de l’avoir écrite. D’une part, pour que ceux qui publieront un jour l’œuvre complète, sachent leur chance de n’avoir plus à composer avec une mère et une sœur qui, bien que d’une incompétence totale, vous déclarent qu’« il faudra compter avec [elles] » ; de l’autre, parce qu’après avoir lu ces pages qui pourraient s’intituler « Mireille par elle-même », on saura à quoi s’en tenir sur la Mireille auteur de « charmants » souvenirs d’enfance, et sur une biographie qui nous apprend que son père regagnait tous les soirs le logis familial à bicyclette ! (cf. chapitre I)
Ce qui transparaît des citations que j’ai à dessein prodiguées, c’est d’abord la souffrance d’un être élu qui voudrait prendre son essor et ne rencontre qu’incompréhension. L’objectif auquel elle tend étant, au vrai et à la lettre, inconcevable pour ses proches. Une incompréhension rendue plus déchirante par ce « chantage de la tendresse » que j’ai plusieurs fois évoqué. Déjà, déjà, c’est, à son égard, l’apostrophe de la Mère à moi-même préfacier des Lettres au vieil Ami : – « Et le cœur ? Je veux dire : ce que le cœur peut accepter (sic) entre vous et moi ? » (1er juillet 1979) Question qu’avait précédé ce reproche : « Je ne comprends pas très bien pourquoi vous ne consentez pas à me laisser cette petite satisfaction de m’être un peu occupée de ce livre par simple sentiment d’affection ou moins encore de gentillesse. » (La lettre, du 17 avril 1979, a dix-sept pleines pages !)
Dépourvue de tout discernement en fait de registres de langue, on accroît encore la confusion en mêlant littérature et sentiments afin de donner à l’autre mauvaise conscience s’il n’entre pas dans vos vues. De quoi conduire une Mireille à se juger « monstrueuse » envers sa mère. Une mère qui, découvrant que sa fille avait conservé toutes ses lettres alors qu’elle-même n’en avait gardé quasi aucune de cette enfant dont « on ne doutait pas, dans la famille, qu’elle deviendrait un grand écrivain », eut ces mots : « On verrait, en lisant les miennes, à quel point elle fut aimée, soignée, comprise. »


Ou le triomphe de l’inconscience et de la bonne conscience conjuguées.



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1er avril


en marge du site de mireille sorgue



XIV - d'un Éditeur l'autre (2)



J'avais eu, à la fin des années 90, un entretien avec le directeur littéraire du « Livre de poche » et sa position me laissait peu d'espoir : on avait bien pensé à publier Mireille Sorgue mais les ventes escomptées apparaissaient trop réduites, la presse ne signalant pas ce genre de réédition. Je fus donc surpris d'apprendre, en 2002, que l'œuvre allait entrer au catalogue de l'éditeur.


On peut être l'inspirateur d'une correspondance, en avoir établi et annoté le texte, et n'avoir aucun droit sur elle. C'était mon cas et, au reste, je ne revendiquais rien. Mais, lors de la signature du contrat chez Albin Michel, le directeur littéraire ayant demandé à l'ayant droit s'il n'y avait pas lieu de m'y associer, elle y consentit eu égard « à l'énorme travail [que j'avais] accompli ». Une magnanimité dont on se repentit plus tard, puisqu'on put parler de « droits que [j'avais] pu [m'] approprier grâce à la faiblesse et à la médiocrité d'un Henry Bonnier. » (Il y a vraiment, incomparable, un style « petite sœur » !)


Si on ne put donc toucher à l'édition des Lettres, du moins avait-on les mains libres pour L'Amant. Et celle qui m'avait écrit jadis pour m'impressionner : « Je suis depuis six ans dans (souligné) l'édition*, et de plus en plus en littérature » ( !!), allait donner, de cette œuvre, l'édition ne varietur que les foules attendaient.


Henry Bonnier avait écrit, pour L'Amant, une préface sensible, pénétrée – et écrite en français ! Mais il était devenu un personnage haï ; aussi n'était-il pas concevable de maintenir sa présentation. Par chance, un ami, forcément « éclairé », de la petite sœur avait publié, en 1988, un article qui semble lui avoir été dicté par celle-ci, tant il renferme de détails que son auteur ne pouvait connaître. Un article, donc, pleinement « autorisé » puisqu'on y glose abondamment de la fessée paternelle reçue par Mireille pour être montée sur un « monticule »**.


Si je dis que l'écriture de cette préface est d'une affligeante platitude, que la pensée (fort laborieuse) y est d'un prosaïsme achevé, on criera au ressentiment. Le mieux est donc d'en donner quelques extraits, faute de pouvoir la reproduire entière.


« L'Amant est une suite de textes qui révèlent en profondeur un rapport au monde et plus encore un rapport à l'homme. Déjà, dans un premier article écrit à dix-sept ans ( après le concours général où Mireille obtint le premier prix de français), publié par la Revue du Tarn en 1961, on trouve, adressé au père (dont la jeune fille se souvient avoir reçu une première fessée, vers l'âge de deux ans, pour être montée sur un monticule) […]


[..]


Sur le thème de la main, L'Amant abonde en phases inspirées, je veux dire personnelles et précises, justes.


[..]


Les lettres sont belles parce que ce dialogue épistolaire redouble le dialogue charnel et remplace l'échange quotidien des amants, leur évitant ainsi de sombrer dans la routine. L'écrit ne se contente pas de rendre compte du vécu, il participe à son enrichissement.


À lire Mireille Sorgue, on admire une belle personnalité, aussi féminine que volontaire, qui n'a jamais voulu laisser le quotidien dominer tout, qui a eu le sentiment de la probable brièveté de sa vie et qui n'en a pas eu peur. »



Et voici la magistrale péroraison :


« En fait, quand Mireille Sorgue clame son bonheur, on ne doute pas de sa sincérité, mais on sent que ce caractère exigeant est en conflit avec soi, plus encore qu'avec le monde. On subodore une souffrance tue, voire un malheur pressenti. En ce sens, lecteur, on ne commence à découvrir sa vie qu'une fois que l'on sait qu'elle en est sortie de façon violente »



La préface d'Henry Bonnier donnait envie de connaître l'œuvre vantée. Celle qui l'a remplacée a, sur le lecteur, un effet dissuasif, sinon répulsif, ainsi que certains seuils vous détournent d'entrer dans la demeure.


Pour moi, j'ai assez partagé les exigences intellectuelles de Mireille Sorgue pour imaginer ce qu'elle eût pensé et dit de cette prose pataude de tâcheron assez content de soi. (« Quelquefois, j'en viendrais à me demander ceci […] »)



La notice sur l'auteur, rédigée par l'ayant droit, allait lui permettre de décerner satisfecits et hochets à quelques membres de la coterie littéraire dont elle est la figure centrale, si admirable de dévouement et d'intelligence pour l'œuvre dont elle a reçu la charge. Une petite coterie mais composée de « fervents-de-Mireille » qui, donc, l'ont lue et comprise, et où l'on trouve des collègues « en édition et de plus en plus en littérature », des gens qui, par le biais d'une préface, d'une adaptation théâtrale, d'un mémoire universitaire, aspirent à se parer d'une plume de paon. À quoi il faut ajouter ceux à qui – ayant pris leurs mesures – je n'ai pas prêté une oreille assez complaisante, et qui trouvent auprès de la petite sœur, la considération, l'appui, auxquels leur « admiration » de l'œuvre leur donne droit.


Les plus fidèles du cénacle ne furent pas déçus, et le copinage se donna libre cours.


L'adaptation théâtrale des Lettres, gesticulante et tapageuse, consterna ceux qui aimaient Mireille à travers ses écrits ? (Elle n'eut d'ailleurs aucun succès, et fut sans incidence sur les ventes de l'œuvre.) On ne nous fait grâce ni du nom du metteur en scène, ni de celui du théâtre, ou de la « remarquable » interprète. Forcément remarquable, pour parodier Duras.


Le mémoire d'une étudiante fut d'abord refusé par le professeur ? Ladite étudiante est nommément désignée. Et, ici, je ne résiste pas au plaisir de citer à nouveau un passage de son texte, relevé quand celui-ci me fut soumis. Je le fais, car il faut saluer quand on la rencontre dans toute sa superbe, magistrale, bouffie de sa suffisance, et sentencieuse à souhait, – l'imbécillité à l'état pur, cependant que vous monte aux lèvres l'injonction du roi Ferrante à son fils, dans La Reine Morte : – « En prison ! En prison pour médiocrité ! »


« Nous sommes autorisés à penser que Mireille Sorgue – connaissant son souci de vérité et de transparence – n'aurait pas apprécié de se voir enfermée dans l'étroite prison de verre que l'on bâtit pour elle.


« Il semblerait que chacun ait bâti autour d'elle un mythe auquel personne ne devrait toucher, tout autre qu'eux-mêmes ayant à priori "les mains sales" et l'esprit bardé de mauvaises intentions (lesquelles, nous ne le saurons jamais). »


Vaut aussi son pesant d'or fin, en ce même mémoire, l'évocation de l'entretien qu'eut l'étudiante avec la petite sœur à la vaste culture. Lui ayant demandé, en bonne cuistre, si l'œuvre de Mireille n'avait pas des accents communs avec Gilbran, Saint Jean de la Croix, Sainte Thérèse d'Avila et William Blake, elle a cette formulation d'une involontaire et savoureuse bouffonnerie : « Cette hypothèse ne nous a pas été refusée par la sœur de Mireille Sorgue ». Que les futurs exégètes de l'œuvre se le disent : la confidente intellectuelle de l'auteur de L'Amant « autorise » cette hypothèse !


Nul doute que les élus, à la pensée que leur nom, jusque là obscur , allait être reproduit à des milliers d'exemplaires, ne tinrent cette édition, comme Joseph Prud'homme, son sabre, « pour le plus beau jour de [leur] vie. »



Une édition de Nerval ne mentionne la fin de l'auteur que pour mémoire. Ici, elle est indiquée dans la notice, pesamment évoquée dans la préface et, pour le lecteur distrait, rappelée en 4e de couverture. Comment ne pas trouver singulier cette insistance, délibérée, cette complaisance, chez la… maîtresse d'œuvre qui semble se gargariser du mot définitif, expéditif, de suicide ? C'est ici qu'il faut se rappeler que la petite sœur a « décidément trop souffert de [sa] différence » avec l'aînée – et qu'elle a, depuis lors, un problème… d'existence. Un psychanalyste nous dirait si la propension à publier cette fin n'a pas un goût d'obscure revanche ; si l'inconscient ne voit pas là une ombre – à souligner – dans la resplendissante figure qui trop longtemps vous offusqua. Mais je m'en tiendrai à l'évidence. L'édition en poche de L'Amant aura été défigurée par la haine de l'ayant droit pour quelques-uns (c'est le célèbre « Détruire, dit-elle ») ; le souci de complaire à ses flatteurs, joints à la vanité d'être « co-auteur » selon le terme juridique, et surtout par une outrecuidance incurable, atavique, qui rend… l'héritière incapable de distinguer entre une écriture digne de Mireille et ce que celle-ci eût qualifié, à bon droit, de pacotille ou mieux de… « verbiage ».


Et c'est ainsi que le droit patrimonial permet, dans l'ordre de l'esprit, dans celui de la création – de véritables impostures, perpétrées d'autant plus lâchement que la victime est réduite à l'impuissance.



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* Comme correctrice.


** Fait relaté, il va de soi, dans les souvenirs d'enfance de « La Revue du Tarn ». Ledit « monticule » étant le mur de la cour de récréation. Mais il est permis à un authentique écrivain de prendre certaines libertés.

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