************************************************************* Watteau
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De hautes frondaisons vaporeuses d'essences indéterminées. Par grandes masses, des brouillards de verdure infusée de lueurs de couchant – ou d'automne, et c'est bien un climat de déclin qui baigne L'Assemblée dans un parc, Les Divertissements champêtres, La Perspective, Le Rendez-vous de chasse, L'Embarquement pour Cythère ou Les Plaisirs d'amour. Sous le couvert, ou dans une clairière, assis, debout, des couples s'entretiennent, badinent, et cela fait, sur l'herbe, des jonchées de reflets de satin. Nulle paysanne. On s'est réunis en oisifs fortunés pour coqueter, courtiser – se divertir au sens pascalien. Aussi n'est-il de décor mieux accordé à de tels commerces que ces arbres de songe, à la fois proches et lointains, qui épanchent autour d'eux loisir et sérénité.
Mais nous qui regardons ces images d'un monde depuis des siècles évanoui – et redevenu poussière, de nous demander si ces couples, et d'abord ces femmes n'attendaient pas inconsciemment de l'arbre qu'il balançât, par sa pérennité, la fugacité de leurs charmes, la fragilité des serments échangés. Qu'il fût le témoin, le garant, de leurs attachements. Que vulnérables nous semblent ces minois laiteux, si exigus au regard des feuillages dressés en vague qui va vous engloutir ! Il n'est aucune de ces scènes champêtres, que ne menace un rideau prêt à tomber.
« La chair est triste, hélas… » Alors même qu'on s'embarque pour Cythère, l'expectative, la réticence ou la mélancolie du rassasiement, ont déjà fané maints plaisants visages féminins. Un arbre aux tortueuses ramures versant sur les couples la « tristesse musicale et doucement contagieuse » dont parlent les Goncourt.
Mortels sont aussi les arbres mais, jamais autant que chez Watteau, ils n'auront dénoncé, de leur muette présence, les vanités humaines. Celles des parures, celles de nos réjouissances, de nos… déduits. De nos parties de campagne.
Le peintre a-t-il la prescience de sa mort prématurée – à l'âge où Mozart disparaît ? En ses féeries, on perçoit bien plus d'âpres sonorités de viole de gambe que d'allègres envolées de clavecin. Les grâces – la grâce – des premiers plans sont gagnées, ternies, par le suspens de feuillages touffus, parfois rendus avec minutie, souvent traités en sfumatos, exposés à l'effritement et chargés du crépuscule qui s'est massé là pour attendre son heure.
C'est d'une touche légère, quasi distraite, que Watteau immisce la mort en ses tableaux, mais elle est bien là, dans chaque pose avantageuse des galants et, avec prédilection, dans chaque geste gracieux, figé, chaque sourire des « belles écouteuses » à la carnation de fleur d'églantine.
Sans doute, encore, ces assemblées d'arbres devaient-elles nourrir, à l'insu même des mortelles, la nostalgie d'un Eden dont Cythère n'eût été qu'un fleuron. Cette dimension n'étant pas la moindre dans l'enchantement mélancolique que nous donne toujours les scènes champêtres du peintre.
Je suis sorti à reculons de la pièce où l'on exposait L'Enseigne de Gersaint. Mais c'est de la confrontation, ménagée par Watteau, de la femme et d'un parc, que je tire le plus d'enseignements. Oui, l'amour que le boudoir, l'alcôve, entachent de culpabilité, devrait trouver en pareils lieux le libre espace sans bornes où donner sa mesure ; le Temple où être consacré. Son appartenance, surtout, à ce qui, sève et sang, s'arrache de terre et s'érige, irrépressible.
Pourquoi suis-je seul à percevoir en chaque arbre le style d'un cadran solaire ? Seul à entendre ce que susurrent les feuillages en contrepoint des promesses, flatteries et mignardises ?
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l'arbre en poésie
Et les cyprès tiennent la lune dans leurs doigts
Pierre reverdy
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**Qu'il leur faut monter vers le jour ?
Pablo neruda
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C'est un naufrage dans le vide, avec un alentour de sanglots.
Pablo nerudA
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****est la peau même du printemps
Pablo nerudA
Les forêts ocellées constellées et chantantes […]
Maurice fombeure
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Et sous des yeux d'étoiles épanouie
Germain nouveau
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Le saule pleureur, c'est une averse de verdure
Francis jammes
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Si tu ne fais de tout : musique, tu as perdu, mon pauvre ami ;
Géo norge
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Le chêne / S'offre le crépuscule
guillevic
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Chaque arbre / A sa façon
guillevic
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****Qui s'endormirait?
guillevic
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guillevic
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Je m'appuierai sur l'arbre / Et l'arbre sur les interstices /
guillevic
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Beau tilleul somnolent cher aux graves abeilles […]
milosz
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[…] et du tilleul descend une vapeur blonde qui sent l'écorce, la fleur, la patience et le nid.
Loys MASSON
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Là-bas le sapin étend sa main noire au bord des tours du château pour voir s'il pleut.
Léon-Paul FARGUE
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Comme un grand arbre qui s'en va rechercher le roc et le tuf de l'embrassement et de la vis de ses quatre-vingt deux racines !
Paul CLAUDEL
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