Rosace de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris
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RÊVERIE AUTOUR DE LA ROSE (2)
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Pendant que les lycéens effeuillent leurs déclinaisons latines à partir d'une rose mythique ; que les dernières paroissiennes, récitant les litanies de la Vierge Marie, la nomment Rose mystique, le touriste lève les yeux vers la rose, la rosace de la cathédrale, puisqu'un verrier sut réaliser une rose immatérielle, faite de lumière, aux configurations de rose réticulée à douze ou seize pétales – girandole figée ; faisceau dont les couleurs empruntent à la poussière de diamant de la voûte céleste, et dont le soleil, quand les rayons en sont inclinés, projette le décalque sur le sol de la nef.
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La rose. On sait ce que le mot désigne encore en langage familier ou littéraire, et qui, mieux que le docteur Gérard Zwang, dévot et chantre du sexe féminin, justifierait cette acception, lui qui dit « exécrer » les deux espèces de « maîtres à penser » « que la sexuation humaine perturbe. D'un côté ces religieux monothéistes ennemis de la chair […] Mais tout aussi odieux m'apparaissent ces chimériques […] qui voudraient persuader leurs contemporains que l'un est l'autre puisqu'entre l'homme et la femme n'existerait pas la moindre différence. »
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Ce gynécologue nous dirait sans doute que si, dans les roses de nos jardins, il n'en est qui soit l'exacte réplique d'une autre, dans sa conformation, ses coloris, il en est ainsi du sexe féminin. Et d'abord dans sa toison, qu'on soit brune, blonde, rousse ou châtaine.
Non moins, dans les grandes lèvres aux ourlets de pétales charnus ; dans la confusion des nymphes aliformes ; de celles qui – carmin, lilas, sépia, ardoisées, se pressent, se plissent au cœur de la rose.
Des arbres portent simultanément fleurs et fruits. Cette rose-là, de chair, conserve, dans son épanouissement même, la mémoire du bouton floral, par ailleurs prodigieuse pépite de délices se déployant en fulgurantes giclées d'arc-en-ciel.
Quant à son cœur, abîme ou cime d'onctueux oubli, qu'en rapporter qui ne se heurte à l'indicible ?
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Pourquoi me vient cette pensée que si l'on marquait jadis au fer d'un signe d'infamie, l'épaule des femmes jugées indignes, c'est toute l'espèce que la nature marque au bas du ventre soit pour son affliction, son malheur (et que de pages à écrire, intitulées : « Le soudard et la rose », « Le rustre et la rose »), soit pour sa félicité et sa délectation.
Aussi faut-il se réjouir qu'un poète, un amant, aient assimilé le sexe féminin à une rose. Ce n'était que rendre un juste hommage à l'une et à l'autre ; à leur commune précellence.
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On ferait un musée, un volumineux florilège, en rassemblant les représentations de la rose, les poèmes en son honneur. Je me borne à rêver que je rencontre l'une de ces floralies qu'a peintes Paul Delvaux, et que j'interroge l'une de ses créatures : – « Vous, que la nature a faite rosier-tige à fleur unique, ai-je raison, en voyant votre éclat, de penser que vous êtes heureuse de posséder une rose épanouie, vaste comme une exhalaison de mer en un soir torride d'été, et qui vous colore l'âme de sa saveur ? Partant, que vous n'avez qu'indifférence ou commisération pour les faux-bourdons laids, fuyants, qui se hasardent parmi vous ? Tenez-les pour un mal nécessaire : c'est de vous que procède le miel de la Terre. Son miel et son sel.
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*Gérard Zwang, Atlas du sexe de la femme , Ed. La Musardine, 2001 .