SERAPHINE DE SENLIS
I
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Arbres, fleurs et fruits eurent de tout temps leurs peintres. On ne les compte pas pour la seule France, des miniaturistes médiévaux à Cézanne, Odilon Redon ou Renoir, sans omettre Louise Moillon ou les peintres des natures mortes du XVIIe.
Le film, Séraphine, de Martin Provost avec Yolande Moreau dans le rôle titre (2008), a répandu la figure et l'œuvre de cette misérable femme de ménage de province qui, en marge de ses besognes, peignait des compositions florales d'autant plus captivantes qu'elle n'avait appris à dessiner ou peindre et que, faute de ressources pour s'acheter des couleurs, elle tirait et mêlait ses pigments colorés du règne végétal.
Les peintres de fleurs n'omettent guère le vase, son support, tel un coin de table ; ceux de fruits, le compotier. Ils nous font les spectateurs – à distance – de leur agencement. Avec Séraphine, nous sommes presque toujours dans le bouquet qui nous éclate à la face comme le ferait un bouquet de feu d'artifice ou, mieux, nous voici dans une absidiole ceinte de vitraux comme la Sainte-Chapelle.
Limité par le cadre, le tableau le déborde. Il est Arbre de vie, Arbre du Paradis, Arbre buisson, simple bouquet. Exécuté en visionnaire, sans souci de réalisme, il nous transporte en un univers coruscant et feutré de grappes de raisin, de grandes marguerites radiantes, de feuillages ciliés… L'impression de profusion, propre sans doute à l'illumination, nous étant donnée par la multiplicité ; celle, entre autres, de grappes de raisin en un cep arborescent.
Pourquoi cette œuvre fraîche et brûlante, sage et exubérante, échevelée, suscite-t-elle en moi des relents baudelairiens ? Chaque tableau dit l'application, la persévérance et la patience de l'enfant requis par sa tâche et comment ne pas invoquer « le vert paradis des amours enfantines » et « l'harmonie du soir » quand « chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir », mais encore les derniers vers de « L'invitation au Voyage » ?
Je vois, en cette œuvre singulière, sans tenants ni aboutissants, dans cette giboulée de couleurs, implicites, ces thèmes baudelairiens que sont l'appel de l'idéal, la soif de pureté, la poésie de l'ailleurs, le rêve de beauté, toutes aspirations à dépasser la condition sordide qui vous est faite.
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Les grandes marguerites
Les grappes de raisins
L'arbre de paradis
Grappes et feuilles roses
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Les grandes marguerites
Les grappes de raisins
L'arbre de paradis
Grappes et feuilles roses
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