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GRATITUDE À PAUL ÉLUARD
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GRATITUDE À PAUL ÉLUARD
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L'océan ne se révèle à l'homme – en infime partie – qu'au terme d'interminables tête-à-tête.
C'est à l'exil de Hugo à Jersey, à Guernesey, que nous devons tant de pièces, de pages romanesques où la mer n'est plus l'onde d'un bassin au pittoresque méditerranéen où folâtrent dauphins, naïades et néréides, mais l'élément majeur de la Création.
Depuis le romantisme, le poète prend la mesure de l'Océan, en tire qui, une allusion, une référence ; qui, un poème de l'ampleur d'Amers. On ne classe pas Éluard parmi les poètes de la mer. Il eut néanmoins ce vers, si riche de résonances qui me fait regretter de n'en être l'initiateur : « Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer ! » et comment n'ai-je pas explicité les affinités entre ces deux grands êtres ?
Pourtant, je n'ai jamais gagné la mer sans le sentiment d'aller vers un lieu d'ombre fraîche et touffue, vers un autre climat physique, mental, où l'inspiration est allègre et profonde, où la muqueuse se révèle à nous, que la touffeur occulte. Où nous commençons de voir comme si une taie nous était retirée.
« L'arbre de la mer » ? Plutôt une peupleraie, une chênaie, selon les jours, les heures.
Et, surprise ! Une forêt qu'on eût coupée en blanc-estoc et qui continuerait de vivre – on l'entend – par son feuillu que traversent la brise ou des accès de vent, voire de rafales. On l'a coupée au niveau du collet, et n'est-ce pas la sève brute qui bouillonne, effervescente, de la coupe encore et toujours fraîche, mêlée aux polypores ? Ne sont-ce pas les stries d'accroissement que laisse, sur la plage unie, l'arbre en son reflux ?
« L'arbre de la mer » dépourvu de nids, où l'oiseau ne peut faire halte, arbre sans ramure, réduit à son ombrage, le voici donc l'arbre mythique qui faisait la jonction entre Terre et Ciel, le Ciel pour canopée.
Et que sont ces gens, ces femmes, qui font cercle à la lisière de la forêt marine, sinon les descendants de ceux qui formaient ces « assemblées dans un parc » chères à Watteau?
C'est là une forêt à éclipses qui, se retirant comme par magie, pourrait se nommer Brocéliande, une forêt qui a ses brefs hivers, mais aussi ses reverdies et il faut la voir, alors, encore chargée de neige, proclamer le printemps par grands débordements de parenchyme.
Et moi de louer le poète qui, par quelques mots, m'a dessillé les yeux et m'a « donné à voir ». Privilège de la poésie.