* * * * * Textes divers, dont une chronique "En marge du site Mireille Sorgue".

Bienvenue...

sur le blog de François Solesmes,
écrivain de l'arbre, de l'océan, de la femme, de l'amour...,
dédicataire de L'Amant de Mireille Sorgue.


Le 1er et le 15 de chaque mois, sont mis en ligne des textes inédits de François Solesmes.

Ont parfois été intégrées (en bleu foncé), des citations méritant, selon lui, d'être proposées à ses lecteurs.


La rubrique "En marge du site Mirelle Sorgue" débute en juin 2009 , pour se terminer en juin 2010 [ en mauve]. Deux chapitres ont été ajoutés ultérieurement, dont un le 1er octobre 2012. A chercher, dans les archives du blog, en mai 2010 (1er juin 2010), à la fin de la "Chronique en marge du site de Mireille Sorgue".
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BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE

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LA FEMME
Les Hanches étroites (Gallimard)
La Nonpareille (Phébus)
Fastes intimes (Phébus)
L'Inaugurale (Encre Marine)
L'Étrangère (Encre Marine)
Une fille passe ( Encre Marine)
Prisme du féminin ( Encre Marine)
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L'AMANTE
L'Amante (Albin Michel)
Eloge de la caresse (Phébus)

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L'AMOUR
Les Murmures de l'amour (Encre Marine)
L'Amour le désamour (Encre Marine)

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L'OCEAN
Ode à l'Océan (Encre Marine)
Océaniques (Encre Marine)
Marées (Encre Marine)
L'île même (Encre Marine)
"Encore! encore la mer " (Encre Marine)

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L'ARBRE
Eloge de l'arbre (Encre Marine)

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CRITIQUE
Georges de la Tour (Clairefontaine)
Sur la Sainte Victoire [Cézanne] (Centre d'Art, Rousset-sur-Arc)

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EDITION
Mireille Sorgue, Lettres à l'Amant, 2 volumes parus (Albin Michel)
Mireille Sorgue, L'Amant (Albin Michel) [Etablissement du texte et annotations]
François Mauriac, Mozart et autres écrits sur la musique (Encre Marine) [ Textes réunis, annotés et préfacés]
En marge de la mer [ Texte accompagné de trois eaux-fortes originales de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Galets[ Texte accompagné des trois aquatintes de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Orages [ Texte accompagné d'aquatintes de Stéphane Quoniam] Editions "à distance".

Textes publiés dans ce blog / Table analytique


Chroniques
Mireille Sorgue
15/03/2009; 15/06/2009-1er/06/2010
L'écriture au féminin 1er/03-15/12/2012
Albertine (Proust) 15/01-15/02/2011
Les "Amies" 1er/03-1er/04/2011
Anna de Noailles 1er / 11 / 2017 - 1er / 01/2018
Arbres 1er/06-15/08/2010
L'Arbre en ses saisons 2015
L'arbre fluvial /01-1er/02/2013
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 15/10 - 15/11/2015
Mireille Balin 15/11/10-1er/01/2011
Rivages 15/02-15/04/2013
Senteurs 15/09/2011; 15/01-15/02/2012
Vagues 1er/10/2011-1er/01/2012
"Vue sur la mer" été 2013; été 2014; été 2015; été 2016
Aux mânes de Paul Valéry 11 et 12 2013
Correspondance
Comtesse de Sabran – Chevalier de Boufflers 15/01/14-15/02/14
Rendez-nous la mer 15/03 - 1/06/2014
Séraphine de Senlis 2016

Textes divers
Flore

Conifères 15/06/2014
Le champ de tournesols 15/07/2010
La figue 15/09/2010
Le Chêne de Flagey 1er/03/2014
Le chèvrefeuille 15/06/2016
Marée haute (la forêt) 1er/08/2010
Plantes des dunes 15/08/2010 et 1er/11/2010
Racines 1er/06/2016
Sur une odeur 1er/03/2009
Une rose d'automne 15/12/2015-15/01/2016
Autour de la mer
Galets 1er/07/2010
Notes sur la mer 15/05/2009
Le filet 15/08/2010
Sirènes 15/09/2018
Autour de la littérature
Sur une biographie (Malraux-Todd) 1er/05/2009
En marge de L'Inaugurale 1er/01/2009
Sur L'Étrangère 15/06/2010
De l'élégance en édition 15/06/2009
En écoutant André Breton 15/01/2009
Lettre à un amuseur public 1er/02/2009
Comment souhaiteriez-vous être lu? 1er/06/2009
Lettre ouverte à une journaliste 1er/09/2011
Maigre immortalité 10 et 11 / 2014
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 2015
La Femme selon Jules Michelet 2016
La Mer selon Jules Michelet 2016
Gratitude à Paul Eluard 1/05/2016

Autres textes
L'ambre gris 15/10/2010
Ce qui ne se dit pas 15/06/2010
La blessure 1er/12/2015
La lapidation 1er/09/2010
Où voudriez-vous vivre? 1er/04/2009
Pour un éloge du silence 1er/10/2010
Sur le chocolat 15/04/2009
Annonces matrimoniales 15/04/2011
Tempête 15/02/2009
Le rossignol 1er et 15/05/2011
Nouveaux Murmures mai et juin 2013
Variations sur Maillol 15/01/15
Sexes et Genre 02/15 et 01/03/15
Correspondances


OEUVRES INEDITES
Corps féminin qui tant est tendre 1er janvier - 1er septembre 2018
Provence profonde 15/10/2016 - 15/10/2017
Sirènes (pièce en 5 actes) 1er octobre - 1er décembre 2018


mercredi

1er sept





Je pense à Vous, femme qu'un tribunal d'hommes de votre village
vient de condamner à mort pour adlutère...


LA LAPIDATION


« Corps féminin qui tant est tendre … » Oui, et cette tendreté, si elle est bien privilège, vous désigne aussi à tous ceux chez qui le sang cogne ou s'érige : il est si grisant d'avilir, de frapper, de mettre à mort, quand, né douillet, on sait ne pas plus risquer de riposte que d'un enfant ou d'un vieillard ! Que l'être à qui on ne pardonne pas la dépendance où il place vos instincts, et qui souvent vous donne une implicite leçon de courage, d'endurance, de dignité ; que cet être soit moins fort que vous – quelle aubaine pour votre vanité ! Puisque le plaisir de l'homme est despotique, la femme – réputée capable de maîtriser sa nature – va devoir assumer l'immoralité de l'acte. Sa séduction native n'est-elle pas une cause perpétuelle de tentation, de corruption ? Cette créature ne se confond-elle pas avec votre mauvaise conscience ? Sans un mot, par sa seule existence, elle vous convainc de votre faiblesse, d'une autre nature que la sienne que dénoncent les théologiens : la concupiscence. Aussi ne saurait-on avoir d'indulgence pour cette sorcière, cette chienne, qui vous induit au péché puis vous inflige un blâme silencieux.

Et c'est ainsi que, sous les convulsions de l'Histoire, en deçà des conflits, des conquêtes et de l'asservissement de peuples entiers, sous « l'écume des événements », une histoire s'est agrégée dont nous ne connaîtrons que des bribes, tant elle s'accommode du mutisme et de l'occultation. Une histoire de soumission et de servage, d'humiliation et de violence au quotidien. Il n'est rien qui fasse moins de bruit que l'angoisse, la peur, rien qui trouble moins les sommeils satisfaits ; et les cris mêmes des opprimées sont, dans la rumeur humaine, la plainte d'un oiseau qu'on étoufferait au bord de l'océan.


Il se peut que tant de gémissements à lèvres closes, de paroles qu'on réprime, de silences qui vous durcissent les poings, fassent une manière de clameur ; mais qui saurait la saisir à la fois dans son étendue présente et dans sa durée ? La sympathie la plus active s'émousse quand la distance, le temps, s'interposent ; elle renonce devant les multitudes comme s'il y avait dilution de l'horreur ou que l'extension des pratiques, la banalité des attitudes suffisaient à les valider.


Pour juger la femme en toute équité, il faudrait revivre à même notre chair et nos nerfs, à même notre souffle, et dans sa durée intégrale ce qui, propre à sa condition, tient en quelques mots dans les mémoires, les journaux, les récits, les reportages ; ce qui, encore, fut oublié du chroniqueur ou n'eut d'autres témoins que des murs. Il faudrait convoquer des continents entiers d'humiliation présente, soumettre à reviviscence des millénaires d'opprobre et de sévices – afin que l'ampleur et la constance de notre ignominie nous rendissent à jamais mortifiés et modestes.


L'accusé argue des femmes cupides, paresseuses, irascibles, tortueuses, brutales ; mais le peuple, depuis les origines, de celles qui vinrent à nous avec une confiance d'enfant et que nous avons bafouées ; le peuple de celles que nous avons asséchées de notre égoïsme, enténébrées de rancune et d'aversion quand tout, chez l'adolescente, aspirait à l'échange ; de celles enfin qui souhaitaient nous enrichir, nous parer de leur liberté et à qui nous avons dénié l'autonomie ! … Et, parmi celles qui furent, parce que femmes, méprisées, frappées, avilies, mises à mort, combien possédaient un corps tendre – pourvu d'attaches, de galbes, d'une chevelure, à ravir nos yeux – qui aurait dû nous désarmer ?


L'éternité ne suffirait pas pour dresser un martyrologe circonstancié de la femme ; et, de reste, aux premiers noms, notre paume se constellerait de sueur, notre sang blanchirait et la stupeur nous empêcherait d'aller plus avant. Du moins aurai-je une pensée pour quelques-unes, sans souci de lieux ou de chronologie, puisque c'est ici et maintenant que je rappelle à moi, avec son temps coagulé par l'effroi, telles et telles qui eurent à pâtir de l'homme.


Mais non, on ne condense pas en quelques mots ce qui fut souvent vécu comme l'altération, l'effondrement progressifs de visages, de paysages familiers où prenaient appui les regards ; comme le blêmissement d'un ciel décoloré d'angoisse, et son basculement final. Chaque ligne voudrait des marges, chaque pensée un suspens, aussi vastes que la solitude de celle qu'on emmura, supplicia, sans qu'elle pût même donner un sens au sort qu'on lui faisait.



Je pense à vous, femmes de l'Inde qui regardez en silence manger l'homme puis les enfants – et vous nourrissez des restes ;


Et vous, femmes noires manoeuvrant la houe un enfant sur le dos, un autre dans le ventre, pendant que l'homme palabre ;


Chinoises qui pendant mille ans durent réduire vos pieds à l'état de moignons et marcher à pas comptés, les jambes entravées par votre robe, Chinoises qu'asservirent l'un après l'autre un père, un mari, une belle-mère, une épouse plus âgée, un fils, un beau-frère ;


femmes Zharma – du Nigéria –qu'on gave jusqu'à vous rendre informes et impotentes ;


femmes de Beaume, tuées en 1644 à coups de bâton parce qu'on vous tenait pour responsables des grêles ;


femmes juives lapidées le lendemain matin de leurs noces, au motif que les draps ne portaient pas de traces de sang ;


petites filles sans nombre, à leur naissance abandonnées, exposées, jetées en un puits, enterrées vives – parce que filles ;


jeunes esclaves Noires vendues aux enchères comme reproductrices ou, pour les plus jolies, comme filles de plaisir sur le marché de la Nouvelle-Orléans ;


femmes qui vous retrouvez sans feu ni lieu ni ressources parce que votre mari a dit par trois fois devant témoins, en votre absence même : « Je la répudie » ; et vous aussi sur qui pèse la menace permanente de ces trois mots, garante de votre docilité ;


femme tenue par un licou autour de la taille, que votre mari vendit pour une guinée sur la place du marché de Sheffield, un certain jour de mars 1803 ;


Ann Lear, qui eûtes vingt-et-un enfants en vingt-quatre ans ;


femmes victimes de rapt aux fins de s'approprier une épouse, pratique immémoriale au Kenya, aux Philippines et dans le Sicile rurale.


Je pense à vous femmes mariées de Babylone qu'on jetait au fleuve avec votre violeur ;


fille de l'Inca qui fûtes murée vive en un caveau pour avoir répondu à l'amour du général Olten saï ;


femmes de l'Inde qu'on promenait sur un âne en place publique, tête rasée, doigts coupés, pour avoir fait des avances à une jeune fille ;


vestales enterrées vives pour avoir failli à votre vœu de chasteté – ou en être soupçonnées ;


petites filles haoussas, du Nigéria, à qui on incise le vagin pour permettre les rapports quand on vous marie à douze ans ;


épouses, filles et sœurs exécutées par des frères ou des cousins chargés par le conseil de famille de ce « crime d'honneur » ;


femmes des tribus hébraïques capturées, violées par les hommes des tribus voisines afin de se fournir en servantes, concubines et procréatrices de futurs esclaves ;


femmes de l'Inde données en gage à des créanciers qui pouvaient abuser de vous si la dette n'était pas remboursée à temps ;


femmes-girafes à qui l'homme, en représailles, retire l'empilement des colliers de cuivre, ce qui équivaut à une condamnation à mort ;


femmes de harem, tuées ou enterrées vives avec les serviteurs « de la maison du roi », dans telle nécropole d'Our ou de Nubie ;


femmes esclaves de la Jamaïque, qu'enceintes on battait, couchées sur le ventre auprès d'un trou destiné à recevoir l'enfant ;


Chinoises de la campagne mises à mort pour avoir porté les cheveux courts ;


veuves de l'Inde, parfois veuves-enfants, à qui le droit de se remarier était refusé ;


femmes qu'on joua aux dés ;


femmes blanches fouettées pour avoir pris un amant noir ;


femmes attribuées aux guerriers aztèques qui s'étaient distingués au combat ;


épouses du XIXe siècle français, contaminées par un mari syphilitique qui interdisait au médecin de leur appliquer le traitement qui l'eût dénoncé ;


femmes violées par les chevaliers et pèlerins en marche vers Constantinople puis dans la ville même, mise à sac ;


femmes violées par des hordes au long des guerres de Cent ans, de Trente ans ;


femmes violées au nom de Dieu pendant les guerres de Religion ;


femmes d'Ouzbékistan tuées par centaines en 1927 et 1928 pour avoir ôté votre voile ;


femmes écorchées en l'honneur de la déesse aztèque Teneoinnan ;


petites filles chinoises de six à huit ans achetées à de pauvres gens ou enlevées, pour être éduquées à la prostitution ;


femmes de l'Inde qu'on accule au suicide, qu'on assassine pour que l'époux obtienne, en se remariant, une seconde dot ;


jeunes filles de l'Ader, au Nigéria, contraintes d'abandonner en brousse ou de jeter dans un puit un enfant dont le père n'a pas de statut social.


Je pense à vous que rencontra Young, vieille, ridée, cassée, misérable qui aviez… vingt-huit ans – et sept enfants ;


je pense à vous, Lutgarde, étranglée en 1283 par votre mari, duc de Grande Pologne, parce que vous étiez stérile ;


à vous, épouses humiliées, molestées, battues qui aviez trouvé refuge dans votre famille et qu'on ramène de force à votre tortionnaire ;


femmes de Soissons violées en 1414 et par les nobles et par les soldats ;


prostituées vendues à la criée à Buenos-Aires et autres lieux ;


femmes enceintes de Formose piétinées jusqu'à ce que mort s'ensuive ;


femmes du Moyen-âge violées collectivement, de façon quasi publique, dans le dessein de vous faire basculer dans le clan des ribaudes ;


femmes que les chirurgiens mutilèrent sans nécessité, par goût du lucre ;


femmes peu à peu spoliées de vos biens, de votre patrimoine par les menaces et les sévices d'un mari ;


veuves qu'on enterrait vives, au côté de votre mari, dans une fosse que l'assistance emplissait de sable puis piétinait ; veuves qu'on brûlaient vives sur le bûcher funéraire ;


femmes adultères de la France du XVIIe siècle, publiquement fouettées, marquées au fer et puis bannies ;


femmes de Cisjordanie exécutées par la famille ou contraintes au suicide pour avoir été « déshonorées » (et être vue dans la rue avec un homme suffisait pour qu'on le fût).


Je pense à vous, Akram, jeune irakienne d'une grande beauté qu'on vitriola, pour ne s'être pas voilée ; je pense à vos sœurs qu'on battit, lapida pour le même motif, à qui on lança des fléchettes enduites de cyanure ;


à vous filles stériles et filles-mères du Ruanda, livrées aux hyènes ou transportées sur une île du fleuve pour y être abandonnées ;


femmes « intouchables » des campagnes, soumises à la banalité du viol ;


filles qu'on jeta au couvent pour avoir refusé le mari qu'on voulait leur imposer ou pour mieux établir un fils ;


filles, femmes mises à mort pour les suites d'un viol commis par un homme de la famille ;


filles enceintes traînées, enserrées entre deux pieux jusqu'à expulsion du fœtus dont se chargeaient les hyènes ;


prisonnières violées par leurs gardiens ; femmes violées par ceux-là mêmes –gendarmes ou policiers – qui avaient charge de les protéger ;


jeune fille grecque trente ans séquestrée par son père en un cachot, pour punition d'une liaison ;


femmes de la Chine misérable de 1936, au corps loué par contrat, mises en gage, vendues pour la prostitution ;


femmes de l'Inde dont la moitié de votre vie féconde – de quinze à quarante cinq ans – se passe à être enceinte ou allaiter, votre vie menacée à chaque grossesse ;


filles, femmes qu'on sacrifia aux intérêts politiques ou qu'on maria de force à un riche vieillard ;


femmes qui durent payer de leur complaisance le salut d'un mari, d'un enfant, d'un amant ;


Femmes indiennes violées par les Blancs et femmes blanches violées par des Indiens lors de la Conquête de l'Ouest ;


femmes que trahirent les révolutions nationalistes auxquelles vous participèrent ;


Je pense à vous femmes noires violées par le maître pour fournir la plantation en futurs esclaves, femmes noires qui aurez été le jouet du maître, de ses fils, des voisins en visite, des surveillants de la plantation – femmes contraintes de céder sous le fouet en sachant que souffraient par vous, avec vous, des parents, des frères, des sœurs, un fiancé …


à vous, Patsey, qui fûtes une esclave altière, industrieuse – et superbe, au dos zébré de cicatrices de fouet pour vos refus, et que votre maître finit par briser tout à fait par les coups ;


à vous encore, esclave noire d'Alabama qui avez tué l'enfant né de votre viol par le maître, pour lui épargner les souffrances que vous infligeait votre maître ;


Je pense à vous, femmes de Carinthie du siècle dernier, qu'on attelait à la charrue avec un bœuf ;


filles données à la bande par le garçon aimé, femmes données à des amis par un mari ;


femmes noires congolaises que tout siècle les colons belges violèrent et contraignirent à la prostitution ;


femmes arméniennes massivement violées par les Turcs en 1895 et 1915 ;


femmes et jeunes filles juives violées durant les pogroms de Pologne et d'Ukraine, torturées et violées en nombre lors des émeutes de la Nuit de Cristal en novembre 1938, soumises à razzia dans le ghetto de Varsovie ;


femmes russes enlevées, mutilées, par l'armée allemande, et d'abord vous que l'on conduisit au lupanar établi pour la soldatesque, dans la ville conquise de Smolensk ;


femmes des camps de concentration violées par leurs gardes-chiourmes ou qu'on retirait pour les prostituer sur le front de l'Est ;


Berlinoises qui mirent fin à vos jours de crainte d'être violées ou par honte de l'avoir été ;


femmes grecques ou italiennes violées par toutes les armées de passage ;


femmes de Corée, femmes du Vietnam violées par les soldats américains, et d'abord vous, femmes de My Lai massivement violées, mutilées, assassinées le 16 mars 1968 …



Oui, l'horreur est monotone et elle mise sur cette monotonie même pour éteindre en nous l'aptitude à l'indignation et à la pitié. Et pourtant, quelle pensée ne faudrait-il pas avoir pour les trois mille femmes du sérail de l'empereur de Chine, leur humiliation, leur ennui, le néant de leur vie, si l'on veut comprendre que treize mille femmes de Chitor, en Gujurât, aient choisi, au XVe siècle, le bûcher plutôt que l'esclavage dans les harems des conquérants musulmans …


Je pense encore aux centaines de milliers de « sorcières », chassées, torturées, lapidées, brûlées pour sortilèges, possession démoniaque, ou …. sécheresse de l'été, par un village apeuré ;


aux dix-mille bergères vendéennes violées par les Bleus et parfois délibérément contaminées par les soldats syphilitiques ;


aux vingt-mille Chinoises violées dès le premier mois de l'occupation de Nankin par les Japonais, en décembre 1937, et souvent mutilées, tuées après l'acte, un bâton enfoncé dans le sexe ;


aux trois-cent mille femmes bengalis violées en neuf mois par les soldats pakistanais puis rejetées par leurs maris ; aux dizaines de milliers de ces femmes que l'on contraignit à la prostitution dans des baraquements militaires, en les privant de nourriture quand elles n'acceptaient pas un minimum de « clients » et qui, enceintes, contaminées, en furent réduites à l'infanticide.


Je pense aux centaines de millions de femmes qui furent, sont ou seront excisées. Et d'abord aux Somaliennes à qui on ne se borne pas à extirper le clitoris, de l'ongle ou de la pointe d'un couteau : nymphes tranchées, grandes lèvres cousues, elles ne deviendront femmes qu'après qu'une matrone, le soir de leurs noces, les aura ouvertes au rasoir, à moins que ce ne soit le mari, de son sexe – ce qui fit dire à l'une d'elles que « les premières nuits du mariage ressemblent à une agonie ».



Mais les foules de victimes ne tirent jamais de nous qu'une compassion abstraite. Par infirmité ou instinct de sauvegarde, l'imagination achoppe sur le malheur innombrable ; les humiliations, les souffrances singulières y interfèrent, se brouillent et presque s'annulent – et c'est ainsi que nous lisons sans broncher l'Histoire.


Je n'invoquerai plus des légions de femmes fondées à se plaindre du sort que nous leur faisons : il me suffit, pour nous confondre, de penser à Vous, qu'un tribunal d'hommes de votre village vient de condamner à mort pour adultère. Votre innocence est de celles qui ne se prouvent et vous avez cru, en cœur pur, dans le pouvoir de vos dénégations. Vous ne saviez pas que votre existence même contrariait les projets d'un mari inconstant et brutal ; que votre accusateur trouverait un allié en chacun des hommes qu'en épouse fidèle, vous aviez éconduits ; qu'un religieux brandirait la loi divine et en appellerait à la coutume. Vous ne saviez pas que toute une petite communauté pressentait l'âcre volupté du crime collectif, l'ivresse de s'abandonner aux ressorts de la tragédie.


Avant même qu'on vous ait signifié le verdict, vous vous êtes jugée perdue, entourée que vous étiez de cris, de sifflets, de rires, d'insultes, de malédictions – et c'était déjà lapidation de l'âme ; mais à présent vous ne pourriez plus douter que la mort aura la figure du cercle. Il y a ce trou, ce puits à vos dimensions qu'on vient de creuser, où l'on vous pousse, où l'on vous ensevelit jusqu'aux épaules ; il y a cette limite, autour, qu'on a tracée sur le sol – à un jet de pierre.


Vous dominant, le cercle des hommes, toute leur énergie ramassée en leur main que déborde un projectile ; enfin, au plus loin, l'enceinte des montagnes, l'horizon mouvementé que vos pensées ne franchissaient guère, en femme résignée au périmètre qu'on lui assigne sa vie durant. Tout le terroir de la communauté sur lequel on se courba si souvent est devenu carcan et ce n'est pas assez dire : toute la terre vous a appréhendée, décapitée. Votre tête a comme roulé au bas d'un immense entonnoir où, du rebord bleu, semble dévaler, se déverser sur elle, une grande houle de mépris, de dérision, de haine, dont le silence – de film muet – vous est plus insoutenable encore que la clameur hostile de tout à l'heure. Votre tête est à la hauteur de leurs pieds et ces hommes n'auraient que quelques pas à faire pour vous fouler, et vous le savez et vos yeux se ferment. Si le Dieu qui inspire vos bourreaux s'avise de ce qui se prépare, il peut voir que sa création s'est disposée en une cible dont tout ce qui reste de vous –votre tête – est le centre. Et je m'étonne que la lumière amoncelée à perte de vue et qui vous prend pour foyer ne vous ait pas encore brulé les yeux ; qu'avant même que la poigne terrestre ne vous ait étouffée, la terreur ne vous ait pas encore rompu les artères temporales.


Ils ne se rassasient pas de vous regarder. À présent qu'on vous a dévoilée, ceux qui votre visage fut toujours dérobé sont quasi incrédules devant l'aubaine ; ils éprouvent la sensation grisante de violer votre intimité ; celle aussi d'une revanche sur la femme, la Loi. Et vous voilà plus vulnérable encore de cette dénudation profanatrice, de l'inconcevable exposition de votre visage, de votre chevelure épandue. On vous a dévoilée : puisque vous êtes une femme publique, il est juste que votre tête soit livrée en spectacle aux hommes et surtout que chacun puisse apprécier l'effet de son projectile. Vous aller donner lieu à une compétition où l'on aura à cœur d'afficher à la fois sa rigueur morale et sa vigueur et son adresse.


L'hébétude. Quel autre sentiment vous habiterait que cet effondrement de la sensation et de la pensée ? Comme par un prodigieux coup de masse, on vous a enfoncée telle un pieu et vous voilà bras et jambes garrottés de terre, toute amorce de mouvement aussitôt bue par l'inertie qui vous étreint. Votre poitrine, votre ventre, sont si fort comprimés, que votre souffle s'affole, presque statique, sur un soubassement d'asphyxie.


Comment croire à un cauchemar ? Il aurait vraiment beaucoup de précision, et le temps ne se fige pas ainsi dans les rêves, et il y a, à l'écart, ce choeur des pleureuses – les voisines, les parentes – dont on entend les gémissements psalmodiés ; il y a, qui attendent non loin, les chiens du village, et les vautours aussi se postent, patients, à distance de la bête qui doit mourir. Il y a au plus près le barrage-voûte de ces hommes aux reins creusés, aux mollets durcis, qui résiste de plus en plus faiblement à la charge de haine qui les soude. Et vous reconnaissez parmi eux votre mari, mais encore, ô navrement qui vous anéantit, vos fils.



Maintenant que le chef du village a donné le signal de la curée, je ne suis pas sûr de vous assister jusqu'au bout.


Qui ne s'est heurté violemment de la tête contre un obstacle ? Qui n'a vu, en son crâne, exploser une gerbe de lumière et n'en a titubé, comme éclaboussé d'éclairs de réel ? Qui n'a vu une douleur aveuglante faire gicler hors de lui toute autre sensation ? Et ce n'est pas à un seul coup qu'il faudra résister, comme on nous lancerait, unique, une gifle à toute volée : des dizaines de bras évaluent dans l'impatience l'impulsion à donner, méditent la trajectoire à décrire. On ne laissera pas à la douleur le temps de s'atténuer : chaque nouveau coup de la salve ininterrompue viendra la relayer, la portant de cime en cime. Chacun des coups ajoutera à l'édifice flamboyant, lancéolé de la brûlure. À la souffrance comble, débordante, on injectera sans se lasser des doses énormes de souffrance …. Mais qui parviendrait seulement à inspirer, dans cette recrudescence continue ? Et le cœur va-t-il y trouver longtemps la place de battre ? Mourir. Mourir parce que la douleur vous aveugle, vous submerge, vous étouffe, et que la vie, à la fin, s'épouvante et se dispose à fuir.


Oui, qui ne s'est cogné la tête contre un mur ? Mais celui-ci était le plus souvent lisse. Tuméfiée, notre enveloppe avait conservé son intégrité. Ici, dans ce meurtre rituel et qui se veut exemplaire, il s'agit de défigurer jusqu'à ce que mort s'ensuive. D'écraser à distance le plus noble d'une femme, comme on le ferait d'un talon de soulier serré. À la douleur rayonnante du heurt, se superpose celle de la peau, de la chair écorchées ; la douleur ouverte, à nu, la douleur glapissante de ce qui, voué aux ténèbres closes du corps, doit affronter le grand jour. La douleur d'une chair soudain privée de ses contours ; une douleur qui se lacèrerait de soi.


Sans doute anticipez-vous, ô femme qu'on lapide, les minutes où, à l'angoisse de la fin proche, à l'oppression du souffle, à la couronne d'épines de ces regards qui vous transpercent, va s'ajouter, comme en surimpression, une telle stridence de ciel et de nerfs au paroxysme toujours repoussé – qu'elle ne vous laissera pas même le temps de souhaiter de mourir. Quand le premier bras s'est levé, vous avez fermé les yeux et j'ai senti s'ébaucher dans vos avant-bras entravés le geste qui eût protégé votre face.


Nous tentons de parer le coup qui vient sur nous ; atteint à la tête, nous bougeons nos membres comme pour disperser, pour égarer la souffrance dans une incohérence de gestes. C'est de plein fouet, ainsi que le môle reçoit le paquet d'eau, que le projectile vous atteignit. Au bruit sourd de moellon tombant dans une vasière, au basculement de la tête en arrière, je sais que votre crâne à intérieurement volé en éclats ; qu'en grand fracas, une lumière acerbe vous aveugla, vous assourdit et, flambante, fit de vous une torche de douleur, tout le noir interstitiel de l'azur d'un coup précipité.


Le sang. Un filet rouge pique au plus droit vers la commissure des lèvres. Peut-être n'en percevez-vous pas le goût fade, mais à tous ces hommes qui pensent se montrer meilleurs tireurs encore, il fait des babines de chien ou de chacal. Nulle puissance ne vous sauverait plus : chacun d'eux est une dent de la roue horizontale qui s'est mise en marche et qui doit vous broyer à distance. N'est-il pas partie prenante dans la honte que vous avez infligée à la communauté ? Chacun d'eux officiera.


Sont-ce vos bras plaqués au corps ? Il me semble qu'ainsi rassemblée, votre douleur passe celle de la Crucifixion ; qu'elle fait de vous une masse de supplice aussi gigantesque que les statues de l'île de Paques, et que chaque fois que la souffrance engrange un surcroît d'elle-même – qui s'y élance ou s'y condense, on ne sait –, vous vous rétractez davantage jusqu'à n'être plus qu'une colonne d'un immatériel et bondissant cristal qui fourmille de feux aux arêtes coupantes.


J'essaie en vain de faire mien, par les mots, cela même qui les exclut ; ce qui prospère de leur déroute en une sorte d'ineffable inversé. Et quant à rapporter ce que je vois … Est-ce que le terme de consternation saurait traduire le sentiment dominant de celui pour qui le visage féminin est de ces places où la beauté se condense, et qui la verrait marteler comme effigie de pharaon défunt ? Et ce n'est pas ici du granit qu'on percute, écorne, écrase, mais un épiderme « qui tant est tendre » et fragile, ô bouche rivalisant de douceur avec la mangue et l'avocat, et vous paupières de soie doublées de soumission …


La roue cahote mais, tourne, et chacune de ses dents poursuit l'arrachement par lambeaux de la face et des cheveux, l'éclatement des os, le pilonnage d'une bouillie de sang, la transformation de ce qui était harmonieuse antenne d'un corps en un moignon qui bringuebale au gré des jets de pierre.


Vous qui n'avez plus de forme et qu'à peine d'existence, vous qu'on déterrera tout à l'heure pour porter votre cadavre hors des limites du terroir, vous que les chiens cette nuit sauront aisément découvrir, je ne vous accompagnerai pas plus avant car je suis lâche, comme tant de mes congénères et je me détourne, les paumes appliquées à mes oreilles pour ne plus entendre ce bruit d'arbre qu'on gaule sauvagement ; ce bruit encore de pulpe de pomme sous le pressoir, et ces gémissements imperceptibles qui condamnent si distinctement l'homme en moi.



Et que sont donc légers ceux qui objecteraient que le « crime d'honneur » étant désormais puni, la barbarie envers les femmes n'a plus force de loi, même en quelque contrée reculée de l'Inde, du Pakistan ou du Moyen-Orient !



dimanche

15 août




DANS LES MARGES MARINES…



LE LYS DE MER



« On ne doit pas cueillir le lys de mer. »


Ces mots me visent, tombés de la bouche d'un homme qui, sur son balcon, me regarde revenir d'une incursion sur la dune littorale.


– Je le sais et j'ai mauvaise conscience. C'est pour l'étudier.


– C'est déjà fait.


– Oui, mais pas en poète. »


(J'ai perçu, en la disant, le ridicule de ma réponse.)



Le botaniste aurait pu nommer cette variété : lys émacié. D'un long bourgeon étroit, s'ouvrent six doigts quasi filiformes, blancs à dorsale vert tendre, qui s'écarquillent autour d'une corolle de taffetas, soudée en cornet, dont chaque pétale intègre en son étoffe le filet de l'étamine.


La fleur, gracile, racée, est portée par une tige épaisse, issue d'un jet du sable, comme le sont les feuilles en longues lanières flexibles, appelées à subir l'énorme dévalement des balles de vent. Avec ses semi-replis de patte de palmipède, on la dirait, à distance, lacérée ; mais sa cohésion déjoue les menées du tourmenteur.



J'ai enfreint la loi pour raviver mon souvenir des gerbes de lis déposées au pied de l'autel de mon église de campagne, dans le mois de Marie. Si mince, fugace, que soit l'odeur du lys de mer, elle me restitue celle que répandaient les fleurs cueillies dans le jardin du presbytère. Une odeur à la fois capiteuse et « maladive » qui, imposée, pourrait m'être une forme raffinée de supplice, trop liée qu'elle est à un temps de soumission au dogme et, partant, de culpabilité diffuse, tenace, touchant une chair qu'on vous enténébrait. À croire que, par ce parfum qui pouvait sembler émané des filles de « l'école des sœurs » que nous dévisagions à la dérobée, sur leurs bancs semblables aux nôtres, par delà l'allée centrale, on ait voulu nous avertir que la volupté était triste.


J'ai dit l'odeur « maladive ». C'est qu'elle appelle d'autres images : celles de l'aïeule qui, devant une écorchure de l'enfant, tirait d'un flacon un pétale de lys macéré dans de l'eau-de-vie. Et voici que me sont rendus, dans une inspiration, et la pièce sombre à l'air inerte des hauts lits à rideaux, et le geignement de la porte de l'armoire livrée aux vrillettes, et la brève brûlure de la compresse, que suivait la rituelle admonestation pour avoir été turbulent.



Je crois pouvoir rassurer celui qui me donna une leçon d'égards envers la création : jamais plus je ne cueillerai de lys de mer.



ó



L'IMMORTELLE



On n'encourt pas le même reproche à cueillir quelques brins d'immortelle : une dune fixée rayonne de ses touffes grêles et fournies ; elle se chamarre de globules – de glomérules – d'un jaune passé, qui tantôt éclosent sur d'immatérielles étamines, tantôt demeurent en leur état primitif de menues boulettes d'écailles ou de bractées.


Porté par les courtes tiges jalonnées de feuilles simples, exiguës, un tissu d'or patiné recouvre ainsi le sable, chaleureux à l'œil comme le parchemin des Livres d'Heures.


Un or odorant. À longer une aire ouverte d'un grènetis de fleurs d'immortelles, nous ralentissons le pas, d'un coup nappé d'une senteur feutrée, cordiale au point de nous croire hélé d'un seuil de chaumière, pour une halte. Par la porte entrouverte, on devine les cuivres d'une batterie de cuisine. L'hôtesse a dû omettre de refermer quelque armoire ancienne emplie de registres reliés, de grimoires, de piles de romans populaires, débrochés à force d'avoir été lus.


Nous déclinerons l'invite ; mais immobile dans la coulée d'air – marin ? sylvestre ? – qui défend l'étendue inhabitable, nous humerons ce soleil d'automne qui, volatil, nous parle par bouffées d'un sable encore tiède, et plus encore d'une chambre au parquet ciré, à lit à courtines de velours, où trouver également l'aise, à commencer par celle de la « fine amors ».



Les fleurs bruniront mais ne se déferont pas. Des années après leur cueillette, une longue inspiration tirera d'elles, affaibli mais inaltéré, un arôme à jamais lié à une souriante désuétude. Partant, goûté des cœurs qui ont richement vécu.



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Murmures…


L'amoureuse


A toi qui ne cesses de chercher, parmi les mots, les clés qui m'ouvriraient, qui me rendraient lisible, je te livre celui-ci, pour les jours où je t'attends, fermée, plombée, vacante et rassemblée : lagune.



L'amoureux


Tu existes : un beau nuage de tendresse voyage par l'espace.


Grave et ensoleillée, pesante de saveur sans jamais peser, trop amoureuse pour se revendiquer femme, je ne vois pas de plus beau nom pour toi que celui de compagne. Celle qui vous masque l'exil originel et le désert où chacun vit. Celle avec qui le temps ressemble à ces fleuves pacifiques chargés de chalands.



François Solesmes, Les Murmures de l'amour, Encre marine.



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