* * * * * Textes divers, dont une chronique "En marge du site Mireille Sorgue".

Bienvenue...

sur le blog de François Solesmes,
écrivain de l'arbre, de l'océan, de la femme, de l'amour...,
dédicataire de L'Amant de Mireille Sorgue.


Le 1er et le 15 de chaque mois, sont mis en ligne des textes inédits de François Solesmes.

Ont parfois été intégrées (en bleu foncé), des citations méritant, selon lui, d'être proposées à ses lecteurs.


La rubrique "En marge du site Mirelle Sorgue" débute en juin 2009 , pour se terminer en juin 2010 [ en mauve]. Deux chapitres ont été ajoutés ultérieurement, dont un le 1er octobre 2012. A chercher, dans les archives du blog, en mai 2010 (1er juin 2010), à la fin de la "Chronique en marge du site de Mireille Sorgue".
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BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE

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LA FEMME
Les Hanches étroites (Gallimard)
La Nonpareille (Phébus)
Fastes intimes (Phébus)
L'Inaugurale (Encre Marine)
L'Étrangère (Encre Marine)
Une fille passe ( Encre Marine)
Prisme du féminin ( Encre Marine)
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L'AMANTE
L'Amante (Albin Michel)
Eloge de la caresse (Phébus)

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L'AMOUR
Les Murmures de l'amour (Encre Marine)
L'Amour le désamour (Encre Marine)

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L'OCEAN
Ode à l'Océan (Encre Marine)
Océaniques (Encre Marine)
Marées (Encre Marine)
L'île même (Encre Marine)
"Encore! encore la mer " (Encre Marine)

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L'ARBRE
Eloge de l'arbre (Encre Marine)

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CRITIQUE
Georges de la Tour (Clairefontaine)
Sur la Sainte Victoire [Cézanne] (Centre d'Art, Rousset-sur-Arc)

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EDITION
Mireille Sorgue, Lettres à l'Amant, 2 volumes parus (Albin Michel)
Mireille Sorgue, L'Amant (Albin Michel) [Etablissement du texte et annotations]
François Mauriac, Mozart et autres écrits sur la musique (Encre Marine) [ Textes réunis, annotés et préfacés]
En marge de la mer [ Texte accompagné de trois eaux-fortes originales de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Galets[ Texte accompagné des trois aquatintes de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Orages [ Texte accompagné d'aquatintes de Stéphane Quoniam] Editions "à distance".

Textes publiés dans ce blog / Table analytique


Chroniques
Mireille Sorgue
15/03/2009; 15/06/2009-1er/06/2010
L'écriture au féminin 1er/03-15/12/2012
Albertine (Proust) 15/01-15/02/2011
Les "Amies" 1er/03-1er/04/2011
Anna de Noailles 1er / 11 / 2017 - 1er / 01/2018
Arbres 1er/06-15/08/2010
L'Arbre en ses saisons 2015
L'arbre fluvial /01-1er/02/2013
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 15/10 - 15/11/2015
Mireille Balin 15/11/10-1er/01/2011
Rivages 15/02-15/04/2013
Senteurs 15/09/2011; 15/01-15/02/2012
Vagues 1er/10/2011-1er/01/2012
"Vue sur la mer" été 2013; été 2014; été 2015; été 2016
Aux mânes de Paul Valéry 11 et 12 2013
Correspondance
Comtesse de Sabran – Chevalier de Boufflers 15/01/14-15/02/14
Rendez-nous la mer 15/03 - 1/06/2014
Séraphine de Senlis 2016

Textes divers
Flore

Conifères 15/06/2014
Le champ de tournesols 15/07/2010
La figue 15/09/2010
Le Chêne de Flagey 1er/03/2014
Le chèvrefeuille 15/06/2016
Marée haute (la forêt) 1er/08/2010
Plantes des dunes 15/08/2010 et 1er/11/2010
Racines 1er/06/2016
Sur une odeur 1er/03/2009
Une rose d'automne 15/12/2015-15/01/2016
Autour de la mer
Galets 1er/07/2010
Notes sur la mer 15/05/2009
Le filet 15/08/2010
Sirènes 15/09/2018
Autour de la littérature
Sur une biographie (Malraux-Todd) 1er/05/2009
En marge de L'Inaugurale 1er/01/2009
Sur L'Étrangère 15/06/2010
De l'élégance en édition 15/06/2009
En écoutant André Breton 15/01/2009
Lettre à un amuseur public 1er/02/2009
Comment souhaiteriez-vous être lu? 1er/06/2009
Lettre ouverte à une journaliste 1er/09/2011
Maigre immortalité 10 et 11 / 2014
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 2015
La Femme selon Jules Michelet 2016
La Mer selon Jules Michelet 2016
Gratitude à Paul Eluard 1/05/2016

Autres textes
L'ambre gris 15/10/2010
Ce qui ne se dit pas 15/06/2010
La blessure 1er/12/2015
La lapidation 1er/09/2010
Où voudriez-vous vivre? 1er/04/2009
Pour un éloge du silence 1er/10/2010
Sur le chocolat 15/04/2009
Annonces matrimoniales 15/04/2011
Tempête 15/02/2009
Le rossignol 1er et 15/05/2011
Nouveaux Murmures mai et juin 2013
Variations sur Maillol 15/01/15
Sexes et Genre 02/15 et 01/03/15
Correspondances


OEUVRES INEDITES
Corps féminin qui tant est tendre 1er janvier - 1er septembre 2018
Provence profonde 15/10/2016 - 15/10/2017
Sirènes (pièce en 5 actes) 1er octobre - 1er décembre 2018


dimanche

15 avril 2018 "CORPS FEMININ QUI TANT EST TENDRE..."



CHAPITRE VII
*
« IMAGINEZ-VOUS… » (2)
*

*
2
Une partie de nos malheurs ne viendrait-elle pas de votre peu d'imagination, de votre impuissance à vous mettre, par sympathie, à notre place, à faire vôtre notre condition ?
Imaginez que le sort vous ait fait naître fille il y a vingt siècles en Occident ou dans un temps bien plus proche en Orient : vous auriez d'abord dû sans fin remercier votre père de vous avoir laissé la vie, lui qui pouvait vous "exposer" ou vous enterrer vive. De quoi, et quel que soit votre sort futur, vous faire humble à jamais et borner vos prétentions au bonheur.
Par chance, on ne tue plus chez nous les petites filles à la naissance ; mais si, enfant, vous aviez découvert qu'on attendait un garçon ? Si vous vous sentiez, parce que fille, un motif de regrets, de désillusion, et l'objet d'une rancoeur diffuse ? Vous auriez ainsi à demi … raturée dans les esprits et les cœurs, le sentiment d' exister moins, de peser d'un moindre poids sur terre et vous vous efforceriez, par votre conduite et votre soumission, de vous faire pardonner l'impardonnable : n'être qu'une fille.
Imaginez-vous découvrant encore que le plus médiocre de vos frères jouit d'une autre considération que celle qu'on vous concède. Et les garçons en ont conscience, qui vous regardent de haut, vous moquent, vous rudoient à l'occasion, fiers qu'ils sont de leur force et de leur attribut viril. Déjà, leur humeur batailleuse, leurs sarcasmes vous placent sur la défensive, vous relèguent en marge de leur vie. S'ils vous admettent à leurs jeux, ce sera avec réticence et morgue, comme il convient à l'égard de qui est réputé faible, maladroit, peureux et compliqué, et déroutant.
Vous qui fûtes sans doute un enfant remuant, imaginez que vos parents vous aient interdit de grimper aux arbres, de vous mêler à des jeux un peu mouvementés « parce que, fille, cela ne se fait pas » et que débordant d'énergie, on vous ait contraint à un maintien mesuré, discret, d'où l'exubérance est bannie. Vos vêtements, au reste, ne vous permettant guère de passer outre aux défenses, et d'autant que fille, on se doit d'être aussi soigneuse que soucieuse de sa pudeur.
*
Je vous parlais de soumission. Votre mère, vos grand-mères et tantes vous auraient inculqué par leur exemple l'acceptation de l'ordre établi et la résignation. Née à la campagne dans les derniers siècles, vous y auriez vu votre mère se tenir debout pendant le repas de l'homme, prête à le servir, et ne s'asseoir qu'après qu'il eut fini. Au cas où vous auriez douté de l'infériorité native de la femme, il vous eût suffi d'écouter le maître commander, décider sans partage. Souvent associée au labeur des champs, vous auriez au retour, harassée, pourvu seule aux soins de la maison, de la basse-cour, du jardin même. En quel temps ? Mais pendant la sieste de l'homme, et son premier sommeil une fois le dîner pris, au long des dimanches surtout, quand de l'aube au soir il se délassait par la chasse, le jeu ou la palabre.
Le sentiment de l'injustice aurait ployé votre bouche ? Vous vous seriez demandé pourquoi le hasard de la naissance détermine et fonde pareilles inégalités ? C'eût été bien de l'impudence de la part de qui devait plutôt se convaincre de son indignité.
Au cas où vous n'auriez pas eu conscience de celle-ci, vous sentant aussi intelligente et courageuse que beaucoup d'hommes, leurs propos, leurs écrits vous auraient ramené à une plus juste estimation de vos mérites. Pamphlets, anecdotes, mots d'esprit, ont de tout temps fleuri pour dénoncer notre infériorité et faire sourire ou s'esclaffer à nos dépens. Imaginez donc, vous qui êtes un homme, que toute boutade, tout dessin d'humoriste, vous présentent comme une créature sans cervelle, cupide, coquette, pusillanime, inconséquente, qui n'appelle qu'indulgence ou commisération, défiance, dédain ou mépris. Lequel a, pour s'exprimer, des foules de mots orduriers – et vous devriez bien par exemple vous figurer en jeune mariée de campagne livrée aux regards et aux plaisanteries salaces d'une tablée de noceurs. Vous sentiriez alors combien le rire, le terme équivoques, vous fanent, vous souillent – et vous font vous dire avec stupeur, avec désespoir : "Je suis donc cela dans le regard de l'homme ?" Et de vous demander, à force de lire et d'entendre satire et railleries sur le compte des femmes, si de vrai vous n'êtes pas cette éternelle mineure ce qui, au moins, justifierait le sort qu'on lui fait.
Imaginez à présent que femme, vous ayez accompli de hauts faits, produit de grandes œuvres. Vous percevriez, dans les louanges masculines, un secret étonnement, une réticence et le malaise que nous donne ce qui transgresse une loi de nature. Il se trouverait des hommes pour regretter à part soi que vous ne fussiez des leurs, tant les gêne jusqu'à cette anomalie que vous seriez à leurs yeux. Quand l'âge vous aurait rendue asexuée, peut-être eût-on oublié de quel genre vous étiez, et encore … Pour certains, le handicap, la tare d'être femme, amoindriront toujours l'artiste ; et vous auriez eu beau faire surabondamment vos preuves, vous ne seriez venue à bout de leurs réticences goguenardes, surtout si vous vous étiez aventurée dans l'un des fiefs de l'homme.
Imaginez encore qu'assez bien informée de la chose publique, vous voyiez le pire ivrogne, le simple de village, se rendre aux urnes dont on vous tient éloignée au motif que femme, vous ne pouvez être que variable, influençable, passionnée, et qu'il sied mal à votre condition de s'engager dans la mêlée politique. (Ce qui permet aux hommes de définir en dehors de vous votre statut, vos devoirs, et leur donne toute latitude pour vous maintenir en votre état.)
Et c'est ainsi que la voix d'une George Sand, d'une Marie Curie et longuement celle d'une Colette furent tenues pour nulles. Mais pourquoi accorderait-on le moindre prix à la voix de qui, mariée, se trouve frappée d'incapacité civile et à qui on dénie presque tous les droits, et d'abord celui de s'instruire à l'égal de l'homme ?
Ici, j'ai conscience de vous demander un effort particulier, mais enfin, ce que des milliards de femmes ont vécu et vivent encore, vous pouvez bien le faire vôtre. Imaginez donc ceci, d'abord : que votre vie se passe sous la coupe d'un père ou de frères, puis d'un mari, puis d'oncles s'il disparaît ; si bien qu'avec un peu de chance, vous serez majeur à soixante ans. Imaginez, oui, qu'on dispose entièrement de vous, de l'enfance à la vieillesse, à la mort. Qu'on vous marie sans vous consulter, parfois encore enfant ; qu'on vous jette dans le lit d'un conjoint qui vous fait horreur et qui sera votre nouveau garde-chiourme. Que non seulement nous n'ayez, de toute votre vie, la libre gestion de vos biens, mais qu'on puisse vous céder, vous troquer, vous vendre, comme animal ou marchandise… Vous répudier sous quelque prétexte ou vous imposer d'autres épouses.
En vous l'être humain s'offense de tant d'atteintes à sa dignité ? Il se sent révolté, désespéré, qu'on fasse bon marché de son autonomie ? Mais je n'en ai pas terminé ! Il vous reste de vous imaginer enfermé à vie. Car la sagesse commande de tenir en lieu sûr cet être inférieur mais dont on ne peut hélas se passer ; qui pourrait bien être tenté de fuir son maître, de le tromper, et qui de toute façon, suscite la convoitise des autres hommes. Ne vous récriez pas : si le gynécée appartient au monde antique, si le harem a disparu, des millions de femmes, à cette minute, vivent cloîtrées ou séquestrées comme vous voudrez, dans leur maison. Et quand il leur est permis de sortir … Mais imaginez-vous, allant brièvement, le temps d'une course ou d'une visite, la face couverte d'un voile où l'on a ménagé une fenêtre pour le regard ; tout ce que vous recevez du monde extérieur vous parvenant par cette meurtrière horizontale.
*
3
*
La difficulté que vous avez à vous représenter notre sort, je sens bien qu'elle vient en partie de ce que vous ne sauriez quitter votre corps d'homme. Mais faites, je vous prie, un nouvel effort et habitez en pensée un corps que vos proches vont, treize fois l'an, considérer comme si impur, que tout ce que vous toucherez en paraîtra souillé aux yeux des hommes du logis. Disons, pour être juste, que ce corps est alors seulement un peu plus impur qu'à l'ordinaire ; que ce sang dont vous avez honte confirme à vos yeux mêmes ce qu'il vous est chaque jour donné d'entendre sur la femme et son abjection essentielle.
Oui, c'est avec notre corps qu'il vous faut à présent vous imaginer en train de subir des attouchements, puis un acte qui vous révulsent – non en soi mais parce qu'ils sont le fait du maître grossier, brutal, auquel on vous livra. Si, si, figurez-vous qu'un individu suant, soufflant, à l'haleine fétide, s'est allongé sur vous et s'y démène – cependant qu'en vous, tout voudrait hurler de dégoût… Ne bronchez pas : une multitude de femmes ont vécu, vivent encore cela, si bien prises au piège des coutumes et des codes, qu'elles n'avaient, qu'elles n'auraient d'autre issue que le suicide.
Ajoutez à cela que beaucoup vécurent dans la fatalité de la fécondation et vous devriez bien vous imaginer soumis à des grossesses perpétuelles, épuisantes, à des accouchements dont chacun comportait un réel risque de mort – avec cette pensée qu'on vous sacrifierait à l'enfant si le dilemme se présentait.
Sans doute auriez-vous été de ces femmes qui souhaitent une famille à la mesure de leurs ressources et de leurs forces. Alors imaginez que chaque rapport se soit déroulé votre ventre endolori d'angoisse ; qu'il ait fait de vous la spectatrice de ce ventre abhorré d'où vous vient le pire ; une nouvelle grossesse vous étant d'autant plus odieuse à envisager, que l'homme qui use en toute légalité de vous ne vous inspire que mépris ou même horreur. Imaginez en conséquence votre attente, chaque mois, et la couleur que prendraient vos jours au moindre retard, votre esprit, votre corps concentrés sur… l'issue, votre chair devenue idée fixe. Puis cette panique, cet accablement grandissants qui vous retirent le goût de vivre, cette distraction perpétuelle où vous plonge l'obsession d'être à nouveau « prise » – et le terme est assez éloquent, qui signifie que vous seriez un peu plus aliénée, un peu plus encore l'otage du temps.
Et comme vous aviez raison de craindre, puisque vous voici enceinte, à l'évidence … Mais, quel que soit votre pouvoir de sympathie, je doute qu'il embrasse la totalité des situations de cet ordre qui, à cette minute, se présentent en ce monde. (Et nous-même, femmes d'ici et d'à présent, oublions qu'en des continents entiers, l'espèce demeure asservie à la nature.)
Pourtant, essayez de vous imaginer bel et bien déshonoré à cause de cette fécondation et ce, alors même que l'enfant à naître serait le fruit d'un viol, incestueux ou non. Déshonoré aux yeux de votre famille, de la communauté, mais à vos propres yeux aussi. Contraint de cacher une "faute" qui peut n'être pas vôtre ; désigné au mépris public, souvent chassé, parfois mis à mort. À ce que je vous dis, peut-être accorderez-vous l'attention qu'on a, un instant, pour un fait divers. Le plus difficile, dans la sympathie, c'est de lui faire épouser, intégrer, la durée vraie de la situation qui nous touche. Or, c'est pendant des jours, des nuits des saisons – des heures et encore des heures – que cette fille va se sentir déshonorée, bannie, à supposer qu'on lui fasse grâce. Pendant des années et parfois la vie entière. Mais n'imaginez que ces mois où vous sauriez que vous habite une vie haïe, bientôt tangible, bientôt proéminente ! – preuve irrécusable de votre péché, de votre "vice". Et chaque matin, en bandant un peu plus votre ventre, à en étouffer, vous auriez cette pensée : "Est-ce aujourd'hui que quelqu'un va s'apercevoir… ? Et que je serai jetée en pâture… ? Cette brûlure de la médisance, des regards durcis de bonne conscience, des épithètes qui vous flétrissent, j'en ai déjà les stigmates par toute la peau !"
Bien sûr, il y a l'avortement. Ah ! les hommes devraient bien avoir connu au moins une fois l'infinie solitude et la détresse – et la déréliction, pour user d'un mot noble – de la femme qui, coûte que coûte, a pris ce parti, surtout quand elle ne sait à qui s'en remettre. Qu'une seule fois, ils aient connu la honte d'en appeler à leur médecin, et l'humiliation de son refus indigné. Mais ce peut aussi bien être, pour peu qu'on soit jeune et jolie, l'insulte de le voir accepter à condition… que vous vous montriez complaisante !
Je vous parlais de solitude. Imaginez que l'être que vous aimez, que vous estimez, vous dise, furieux, cynique ou désolé, que ce n'est pas son affaire, et qu'il vous faille seule quêter une adresse, vous rendre à l'étranger ou tenter de vous tirer d'affaire un samedi soir, dans votre cuisine, seule (les hommes sont si délicats !) et perdant votre sang jusqu'à ce que l'hôpital vous accueille – où, pour vous ôter l'envie de recommencer, on interviendra sans anesthésie.
Sentez-vous qu'après une telle expérience, vous ne cesserez plus de tenir l'homme pour lâche et monstrueusement égoïste ? Et déloyal un monde qui ne tolère le moindre écart de conduite de la femme ou qui le lui fait durement payer, quand il n'a que complaisance amusée pour les prouesses amoureuses du mâle ? Et de découvrir que sont mortes avec cet enfant la confiance en l'homme et l'estime de vous-même.
La répétition de cet acte par lequel la femme se mutile peut bien émousser son sentiment de culpabilité, ni la rancune envers l'homme, ni la certitude de vivre en ce monde inéquitable, ne s'atténuent pour autant. Et vous qui nous reprochez de montrer trop peu de goût pour les réalités de l'amour, vous devriez vous dire que nous les payons souvent trop cher pour n'avoir pas de la circonspection à leur égard. Quand on sait que la crainte de tomber enceinte et le désespoir de l'être, auront habité, de leur puberté à la ménopause, des foules de femmes, étonnez-vous que beaucoup aient souhaité d'être vieilles pour ne plus vivre le ventre délabré, anéanti, de peur ! Et n'ayez pas l'hypocrisie de m'objecter que lois et mœurs ont changé, puisqu'en Occident même il en fut bien ainsi jusqu'à hier et que tant de femmes de la terre connaissent toujours ce sort.
µ
A suivre


1er avril 2018 "CORPS FEMININ QUI TANT EST TENDRE..."


CHAPITRE vii  
*
« imaginez… » (1)
*
*
Ayant confié ce qui précède à une amie que je savais férue d'histoire des mœurs, elle me le rendit un long temps après, avec un texte de sa main qui tenait du mémorandum et du réquisitoire. Parce que, dans sa véhémence, il est digne d'attention, je le donne ici, avec l'accord de son auteur.
*
1
*
« Je ne doute pas que vous ayez rencontré de mes sœurs semblables à celles qui justifièrent les griefs que vous rapportez. Vos réquisitoires n'atteignent pas, de loin, à la virulence de certaines, quand elles se déchaînent contre ce qu'elles nomment les "imposteuses".
Je me rappelle que, jeune fille, j'aspirais à mériter l'éloge de l'homme, à donner raison à vos poètes. Le soir, en ma chambre, leur musique pansait les écorchures du jour ; leurs mots m'étaient parures. Et j'étais fière d'appartenir aux… choses de ce monde qui valent qu'on les loue.
Je crois aujourd'hui fondée l'irritation de celles qui dénoncent les laudateurs de la Femme, avec majuscule. Ces créatures de papier, nanties de toutes les vertus et "belles comme le jour" n'ont de consistance, de réalité. Ce sont des Idées de femme, non des êtres de sang et d'humeurs, de chair tantôt souffrante, tantôt épanouie ; des êtres cycliques, partant, sujets à variations, à une "difficulté d'être" spécifique, qui s'ajoute à la vôtre.
Mais, d'abord, quels hommes étaient, à table, au lit – là où leurs dimensions paraissaient le mieux – , ces chantres de notre corps, de notre âme ? Quel homme était, en privé, ce poète de l'Amour fou qui déclarait ne s'être jamais montré nu à une femme qu'en état d'érection – propos qui le fait s'écrouler sous mes yeux, tué par le grotesque de sa fanfaronnade ?
Surtout, surtout, ignorez-vous que des fleurs de rhétorique s'ouvraient en des contrées où allaient de soi l'oppression de la femme et toutes formes de violence du mâle à son égard ? Comment ne tiendrions-nous pas pour fourberie la glorification d'une créature femme tenue, dans les faits, pour infantile, vouée de nature à se soumettre, et partant assujettie, sa vie durant, à toutes fins ? N'êtes-vous pas requis par le silence, dans la nuit des temps, de ces marées successives de femmes sur tout continent habitable ? Quelques voix d'amoureuses ou de révoltées le rompirent, mais la rumeur qui flotte sur l'océan des siècles, comme eût dit Hugo, est faite de voix d'hommes pérorant, disputant, fabulant ou vitupérant sans frein. Leur parole occupant seule les esprits. Et je vous accorde qu'il est reposant de n'avoir son mot à dire ; à n'avoir même plus à penser, telle la bête attelée à une noria.
*
Quand vous reprochez, à telle femme aimante, sa réserve, son embarras, son indolence, dans les jeux amoureux, vous devriez plutôt dénoncer la hâte, la maladresse, la brutalité parfois, de vos devanciers, et l'image rudimentaire qu'ils lui donnèrent de l'acte. Une image qui sous-entend, ancestrale, la passivité du réceptacle.
Avez-vous parfois pensé aux demoiselles élevées au couvent, ou au sein d'une famille bourgeoise, dans une totale ignorance de l'anatomie, de la physiologie humaines, et qu'on livrait en pâture, dûment scellées, aseptisées, à de riches viveurs, prompts à décapsuler un flacon parmi les rires ? À leur effroi, à leur stupeur, quand ces hommes usaient tout de go d'elles comme ils faisaient de leurs maîtresses ? De quoi, sa vie de femme durant, nourrir quelque répulsion envers l'engin du sacrificateur, et demeurer pantoise devant la grotesque gymnastique à laquelle l'homme se livrait sur elle.
Que les jeunes filles aient, de nos jours, des rudiments de physiologie ne justifie pas l'initiateur se conduise avec elles en pays conquis, sans le souci de se faire d'abord désirer du dedans. Je ne sais de fille éprise qui, éduquée de proche en proche avec patience et délicatesse, ne s'écarquillerait en fleur de tournesol qui se dispose à ne rien perdre du soleil ; puis qui n'aurait à cœur de jouer sa partie quand elle aurait éprouvé que la partition érotique s'interprète à quatre mains
 *
Que n'avez-vous entendu, comme moi, des femmes évoquer, entre elles, le comportement, au lit, de leur mari, de leur amant : vous seriez édifié. Je sais, l'alcôve est un mot suranné qui prête à sourire. Les histoires, les secrets qui se rattachent à ce "lieu des rapports amoureux" font les délices des chroniqueurs et mémorialistes, et de leurs lecteurs. Pourtant, le badin ou l'égrillard n'y sont pas toujours de mise. Le jour dissocie plus ou moins le couple. On se rencontre, on se croise dans les pièces qui donnent sur le dehors. Chacun peut feindre d'ignorer le vrai de l'autre ; chacun peut parler d'autre chose. La nuit les confine dans une pièce close. Et là, force est bien à chacun, bannies les diversions, de se montrer tel qu'en lui-même. Ce qui vaut d'abord pour l'homme. Ni fonction ni crédit ne le soutiennent plus ; son masque tombe avec ses vêtements – et la lampe a beau être tamisée, elle l'éclaire avec plus de mordant qu'un dur soleil : n'est-il pas saisi sans des attitudes et des actes qui réclament d'autant plus d'élégance, qu'ils mettent en jeu sa part animale ?
Eh bien, à en croire mes pareilles, il n'est guère de chambre que ne jonchent les dépouilles de leurs illusions, tant le compagnon s'y montre décevant :
– "Avez-vous remarqué qu'il peut nous voir lasse, soucieuse, contrariée, sans pour autant songer à remettre à plus tard … ?
– D'autant qu'il ne s'embarrasse guère de préliminaires …
– Ou, s'il s'y livre, c'est dans une totale méconnaissance des attentes de mon corps.
– Quand il me caresse, c'est sans délicatesse. Disons qu'il me manie, plutôt.
– Il doit penser que nous aimons être chiffonnées, malmenées !
– Ses caresses sont toujours à contre-temps, à contre-fil. Il n'est jamais là où je le voudrais.
– Le discernement n'est pas son fort, non. Pas plus que la patience. Si, par chance, sa caresse m'est agréable, je sais que vite il va l'interrompre pour en amorcer une autre.
– À moins qu'il ne quitte plus votre sein … ou votre pied !
– Parlez-moi plutôt de ceux qui appliquent sur vous toutes les recettes de leur manuel du parfait amant ! Pour peu que vous vous exécutiez, le plaisir vous est assuré. Encore et encore. Jusqu'à ce que vous criiez grâce !
– Je connais ce genre d'hommes : ils n'admettront jamais que la virtuosité ne nous importe.
– Surtout qu'ils imposent à chacune les mêmes ébats et selon un ordre immuable !
– La plupart sont dépourvus d'imagination ; aussi l'amour devient-il vite d'une monotonie désolante.
– Comme je trouvais cela ennuyeux, j'ai voulu innover, mais j'ai bien vu qu'il en était choqué, et qu'il me soupçonnait de puiser ma science en quelque liaison.
– Notre audace les effraie, les inquiète. Elle risque de mettre à mal leur virilité.
– Moi, un homme m'a quittée parce qu'il me trouvait insatiable.
– Qui, déjà, se séparant de sa maîtresse, déclara : 'Elle aurait épuisé un dieu !' ?
– Que leur sexe vous pilonne une minute, et vous devez atteindre à l'extase !
– Aussi est-il bon d'avoir de sérieux dons de mime, ne fût-ce que par charité, pour ménager son orgueil de mâle.
– Ou simplement s'épargner sa mauvaise humeur et ses reproches.
– Plus il est hâtif et maladroit, plus il exige de louanges, c'est bien connu.
– S'il est habile, il vous pose des questions qui vous obligent à redevenir consciente, dans le temps où votre plaisir est en train de prendre, ou quand vous le savourez.
– Mon amant commence à peine, que tout est déjà fini. Mais c'est de ma faute : je n'avais qu'à être moins lente.
– Ainsi pour moi : je peux être encore dévorée de désir, mon corps a cessé de l'intéresser ; il n'aura plus la moindre caresse.
– Je sais : on reste en suspens et lui se tourne et dort."
*
Les termes de viol conjugal paraissent antinomiques : l'union des corps n'est-elle pas implicite entre conjoints ? Source des plus vives satisfaction – partagées –, n'est-elle pas le meilleur ciment du couple ?
Pourquoi, dès lors, me semble-t-il entendre, monté de leurs tombes, le tollé de générations de femmes mariées par convenance, raison, coutume, calcul, clamant leur aversion pour ce… devoir, leur haine de celui qui le leur imposait, et que tant de ses pareils perpétuent aujourd'hui ?
 *
Je vous assure : des millénaires d'asservissement ne nous ont pas prédisposées à "aimer" nos maîtres.
Vous haussez les épaules devant certaines manifestations du féminisme ; vous jugez ridicules et dérisoires ses outrances verbales. Vous devriez bien lire une histoire mondiale de la femme, tout de même que vous ne sauriez comprendre les foules déchaînées de la Révolution si vous ignorez quelle était leur condition. Ayant ainsi appris le sort fait à la femme depuis le commencement des temps et sans guère d'interruptions, vous seriez plutôt étonné de notre mansuétude à votre égard.
Songez donc que des millions, des milliards de petites filles, élevées en vase clos, sans recevoir d'autre instruction que l'économie domestique, fiancées sans qu'on leur ait demandé leur avis, et parfois dès l'enfance, furent jetées à peine nubiles dans le lit d'un homme qu'elles n'avaient jamais vu ou, qu'au mieux, elles avaient entr'aperçu. Songez que notre dix-neuvième siècle bourgeois traita ses filles avec ce même mépris de leur autonomie, de leurs inclinations. Lesquelles, de nos jours, continuent de ne pas peser lourd, en plus d'une contrée.
Des milliards de viols inaugurèrent donc les vies conjugales. Le mot s'impose, s'agissant d'un corps à peine sorti de l'enfance ou encore adolescent, qui avait été jusque là l'objet d'une ombrageuse pudeur et que voilà dénudé, regardé, touché dans ce qu'il a de plus secret et par un inconnu au visage convulsé. Un inconnu qui vous écarte de force les jambes, comme l'écailler introduit une lame entre les valves, et vous enfonce, au défaut du ventre, on ne sait quoi de violacé aux dimensions monstrueuses.
L'histoire de la femme ne retentit pas seulement de milliards de cris d'une chair déchirée. Il nous faudrait bien entendre aussi les hurlements muets d'âmes terrifiées par cette fin de monde intime ; par cette expulsion, de votre être dévasté, de l'enfance, de l'adolescence qui s'y attardaient. Et on ne peut même pas appeler au secours : ceux vers qui on se tournerait naturellement – le père, la mère… la mère ! – ont fomenté le crime ; ils se sont faits les complices de cet homme qui vous fouaille de sa trique.
Des milliards de meurtres de l'enfance, de l'adolescence, c'est là entre autre ce que l'homme a commis. Avec l'assentiment des familles et la bénédiction des religions. En tout temps. En des pays qui se targuent de leur civilisation.
L'homme que vous êtes ne pourrait-il faire un effort d'imagination ? Quelqu'un, plus fort que vous, pénètre légalement votre corps quand  il lui en prend envie, y compris quand il est ivre. Il écarte nos membres de force si vous lui résistez, fait irruption en vous, s'y agite de façon grotesque en haletant et grognant, puis, après un bref pilonnage qu'achève un râle de bête blessée, il se retire et vous ignore.
Une ou plusieurs fois par jour au début, puis une ou plusieurs fois par semaine, que vous soyez fatiguée, soucieuse, souffrante, endormie, un corps astreindra le vôtre, de son poids et de sa force. Après un tâtonnement pour trouver l'entrée de votre chair – sèche, contractée –, on se fraiera un chemin en vous, rudement, au plus droit – vos mains cachant votre visage pour qu'on ne vous voit pas grimacer. Le temps de se démener en la place, d'y jeter quelques giclées, et l'on vous tournera le dos, sans un mot d'excuse tant la chose va de soi. Des milliers de fois dans votre vie, vous verrez niés votre intégrité physique et votre libre-arbitre. Votre espace intérieur devra admettre, à coups de boutoir, un corps étranger impérieux et remuant qui fera de vous un simple exutoire. Vous serez l'objet dont on dispose en maître et qu'on rejette après usage.
Telle est la vision que – vous jugeriez, hommes, insupportable et scandaleuse – que des milliards de femmes eurent de l'"amour". Telle en fut leur expérience – et le passé se perpétue en maints climats. La vie sexuelle d'innombrables femmes se sera réduite à un morne prêt d'elles-mêmes, plus souvent contraint que consenti, chaque fois que le maître en manifestait le désir. Un labeur, une corvée s'ajoutant à toutes celles auxquelles, au long du jour, leur sort les vouait. À supposer que la résignation soit venue chez beaucoup, face à ce qui leur semblait de l'ordre de la fatalité, on doute qu'elles aient jamais oublié l'horreur de la première fois, cette espèce d'illumination à rebours, par un tronçon de ténèbres qui ferait irruption en vous. L'espèce de saccage, d'effondrement d'un moi qui se disposait sinon à l'amour, du moins à la confiance. Ni qu'elles aient pu s'habituer à l'agression quotidienne ou hebdomadaire, quand la lucidité de bout en bout de l'acte, vous fait apparaître l'homme dans sa pure animalité.
Un juste châtiment attendait cet homme qui voulait une compagne ignorante, quitte à lui faire violence dans l'initiation, puis à bafouer mille et mille fois son autonomie : il fut subi mais non aimé ; il n'aura pu compter sur aucune adhésion, aucune réponse du corps féminin. Et certaines disent boire pour se donner du courage ; d'autres parlent de jours entiers ternis par l'appréhension du soir, ainsi qu'à attendre des coups qu'on ne pourra même parer, d'un coude levé. Alors que le contact physique peut être si vital pour nous, qu'à peine l'aimé nous touche-t-il d'un doigt, on se sent et sauvée et perdue. Qu'à peine s'interrompt-il, nous n'aspirons qu'à ce qu'il nous touche encore.
*
Nos mœurs ont changé. Pourtant, qui n'a surpris, chez un jeune couple ami, un mouvement de retrait, d'agacement de l'épouse, quand le mari se dispose à l'embrasser, à la toucher, fût-ce en passant ? Ce n'est pas là pudeur : simplement, elle n'apprécie pas les contacts, du moins de cet homme-là ; elle les juge importuns. À une confidente, à sa mère, elle dira son étonnement, son irritation de ces perpétuelles velléités d'attouchements.
Courtisée, elle accorda des privautés, puisqu'il semble qu'on ne puisse s'attacher un homme qu'à ce prix. Elle ressentit même du trouble de ses caresses. Mais à présent que la griserie des débuts est éteinte, que les antagonismes plus ou moins déclarés colorent la vie commune, cette main qui essaie d'effleurer, de saisir chaque fois que l'occasion lui en est donnée, cette main l'irrite. Encore un peu, et elle lui sera intolérable. Cet homme se croit-il donc un droit de propriété sur son corps, sur des parties de son corps, toujours les mêmes ?
Elle n'est pas froide ; il n'est ni maladroit ni hâtif ; ils forment un couple comme tant d'autres, que scelle l'habitude autant qu'une certaine estime réciproque. Elle n'a pas faim de ces jeux, voilà tout ; elle se refuse à l'enchaînement trop prévisible de ses gestes d'homme qui, par définition, "ne pense qu'à ça".
Car si le regard que la femme porte sur vous est divers, si telle vous voit lâche ou fanfaron, telle autre intempérant ou despotique, et telle encore irrésolu ou paresseux, il n'en est guère qui ne vous… créditent de tout ce qu'évoque le mot désuet et plaisant de concupiscence. Votre inclination pour la chair et le plaisir est, pour toute femme, une évidence, et de même votre propension à attendre d'elle un service en nature. Une arrière-pensée, une idée fixe dictent, à ses yeux, vos conduites à son regard, pour peu qu'elle soit désirable : assouvir un désir toujours renaissant.
Elle voudrait que dure ce moment tout de langueur, de rêverie, où il a posé le bras sur ses épaules, où il a ceint sa taille ? Lui médite, machine les moyens de parvenir au plus vite au but qu'il s'est fixé, dès le premier instant. Attentive à la lumière, à l'ombre douce, elle attend des mots qui le disent accordé à ses pensées d'amoureuse ? Bouche close, il élabore sa stratégie, anticipe le cheminement de ses mains, le franchissement des obstacles que les vêtements vont lui opposer ; il ourdit la manœuvre qui, une fois soudoyées certaines places, va rendre irréversible le cours des choses, même si elle n'y est que faiblement disposée. Et, de fait, très vite, comme prévu, comme elle ne pouvait pas ne pas s'y attendre, le connaissant, connaissant les hommes, voici une main qui flatte votre croupe, l'autre qui s'assujettit un sein, puis s'arrime un moment au genou, avant de dériver entre vos cuisses. Allons, tout se passera comme d'habitude… "pour avoir la paix", et cette heure délicate qu'on aurait voulu prolonger à cause de ce simple bonheur d'être présents-ensemble-au-monde, d'être "bien", tellement bien, d'être – du moins pour elle – dans une satiété grave, lovée autour de son cœur, cette heure se brise et chavire dans l'agitation, le halètement, la sueur, le petit… épanchement.
Il faudrait ici pouvoir faire vôtre le regard qui filtre entre ses paupières de femme qu'on a frustrée de son rêve. "L'amour est bestial", "l'homme est bestial". On n'entend pas ces jugements que dans la bouche de femmes âgées. Des jeunes filles de ce temps les tiennent pour évidences, que l'insistance, la hâte de l'homme étonnent et choquent, à croire qu'il n'a cure d'idéal, de sentiments ; qu'il ne pense qu'à se repaître de vous et à s'en détourner une fois rassasié. Le pire étant de tenir cela pour une fatalité.
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A suivre



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