* * * * * Textes divers, dont une chronique "En marge du site Mireille Sorgue".

Bienvenue...

sur le blog de François Solesmes,
écrivain de l'arbre, de l'océan, de la femme, de l'amour...,
dédicataire de L'Amant de Mireille Sorgue.


Le 1er et le 15 de chaque mois, sont mis en ligne des textes inédits de François Solesmes.

Ont parfois été intégrées (en bleu foncé), des citations méritant, selon lui, d'être proposées à ses lecteurs.


La rubrique "En marge du site Mirelle Sorgue" débute en juin 2009 , pour se terminer en juin 2010 [ en mauve]. Deux chapitres ont été ajoutés ultérieurement, dont un le 1er octobre 2012. A chercher, dans les archives du blog, en mai 2010 (1er juin 2010), à la fin de la "Chronique en marge du site de Mireille Sorgue".
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BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE

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LA FEMME
Les Hanches étroites (Gallimard)
La Nonpareille (Phébus)
Fastes intimes (Phébus)
L'Inaugurale (Encre Marine)
L'Étrangère (Encre Marine)
Une fille passe ( Encre Marine)
Prisme du féminin ( Encre Marine)
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L'AMANTE
L'Amante (Albin Michel)
Eloge de la caresse (Phébus)

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L'AMOUR
Les Murmures de l'amour (Encre Marine)
L'Amour le désamour (Encre Marine)

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L'OCEAN
Ode à l'Océan (Encre Marine)
Océaniques (Encre Marine)
Marées (Encre Marine)
L'île même (Encre Marine)
"Encore! encore la mer " (Encre Marine)

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L'ARBRE
Eloge de l'arbre (Encre Marine)

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CRITIQUE
Georges de la Tour (Clairefontaine)
Sur la Sainte Victoire [Cézanne] (Centre d'Art, Rousset-sur-Arc)

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EDITION
Mireille Sorgue, Lettres à l'Amant, 2 volumes parus (Albin Michel)
Mireille Sorgue, L'Amant (Albin Michel) [Etablissement du texte et annotations]
François Mauriac, Mozart et autres écrits sur la musique (Encre Marine) [ Textes réunis, annotés et préfacés]
En marge de la mer [ Texte accompagné de trois eaux-fortes originales de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Galets[ Texte accompagné des trois aquatintes de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Orages [ Texte accompagné d'aquatintes de Stéphane Quoniam] Editions "à distance".

Textes publiés dans ce blog / Table analytique


Chroniques
Mireille Sorgue
15/03/2009; 15/06/2009-1er/06/2010
L'écriture au féminin 1er/03-15/12/2012
Albertine (Proust) 15/01-15/02/2011
Les "Amies" 1er/03-1er/04/2011
Anna de Noailles 1er / 11 / 2017 - 1er / 01/2018
Arbres 1er/06-15/08/2010
L'Arbre en ses saisons 2015
L'arbre fluvial /01-1er/02/2013
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 15/10 - 15/11/2015
Mireille Balin 15/11/10-1er/01/2011
Rivages 15/02-15/04/2013
Senteurs 15/09/2011; 15/01-15/02/2012
Vagues 1er/10/2011-1er/01/2012
"Vue sur la mer" été 2013; été 2014; été 2015; été 2016
Aux mânes de Paul Valéry 11 et 12 2013
Correspondance
Comtesse de Sabran – Chevalier de Boufflers 15/01/14-15/02/14
Rendez-nous la mer 15/03 - 1/06/2014
Séraphine de Senlis 2016

Textes divers
Flore

Conifères 15/06/2014
Le champ de tournesols 15/07/2010
La figue 15/09/2010
Le Chêne de Flagey 1er/03/2014
Le chèvrefeuille 15/06/2016
Marée haute (la forêt) 1er/08/2010
Plantes des dunes 15/08/2010 et 1er/11/2010
Racines 1er/06/2016
Sur une odeur 1er/03/2009
Une rose d'automne 15/12/2015-15/01/2016
Autour de la mer
Galets 1er/07/2010
Notes sur la mer 15/05/2009
Le filet 15/08/2010
Sirènes 15/09/2018
Autour de la littérature
Sur une biographie (Malraux-Todd) 1er/05/2009
En marge de L'Inaugurale 1er/01/2009
Sur L'Étrangère 15/06/2010
De l'élégance en édition 15/06/2009
En écoutant André Breton 15/01/2009
Lettre à un amuseur public 1er/02/2009
Comment souhaiteriez-vous être lu? 1er/06/2009
Lettre ouverte à une journaliste 1er/09/2011
Maigre immortalité 10 et 11 / 2014
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 2015
La Femme selon Jules Michelet 2016
La Mer selon Jules Michelet 2016
Gratitude à Paul Eluard 1/05/2016

Autres textes
L'ambre gris 15/10/2010
Ce qui ne se dit pas 15/06/2010
La blessure 1er/12/2015
La lapidation 1er/09/2010
Où voudriez-vous vivre? 1er/04/2009
Pour un éloge du silence 1er/10/2010
Sur le chocolat 15/04/2009
Annonces matrimoniales 15/04/2011
Tempête 15/02/2009
Le rossignol 1er et 15/05/2011
Nouveaux Murmures mai et juin 2013
Variations sur Maillol 15/01/15
Sexes et Genre 02/15 et 01/03/15
Correspondances


OEUVRES INEDITES
Corps féminin qui tant est tendre 1er janvier - 1er septembre 2018
Provence profonde 15/10/2016 - 15/10/2017
Sirènes (pièce en 5 actes) 1er octobre - 1er décembre 2018


mardi

1er juin 2010 En marge du site de Mireille Sorgue XVII


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XVII ENCORE UN MOT 
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 Cette chronique s'achève, que j'aurais pu dédier à tous ceux qui, souhaitant servir dignement la mémoire d'un créateur, se heurtèrent à des ayants droit rapaces et obtus. Mais, écrivant ces pages, je ne cessai d'avoir à la pensée l'humble et tendre Michèle des Lettres, condisciple de Mireille en classe de philosophie, à qui je veux rendre hommage, car elle l'a comprise, aimée, en soeur d'élection - ainsi qu'en témoignent ces extraits de lettres que je reçus après, de celle à qui je pus dire qu'elle était "ma mémoire partagée".
"J'ai relu aujourd'hui Le Temps déborde 1 à cause d'un vers qui surgit chaque fois que je pense à vous: "J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres". Saurai-je être assez là pour que vous continuiez à vivre? Je le voudrais de toutes mes forces..."
"Lorsque vous me parlerez de votre peine, c'est de la mienne que vous parlerez... Faites-le, je vous le demande. Plus tard peut-être je pourrai vous parler de force et de courage.
"Lorsque vous ne vous sentirez plus de force pour continuer, dites-vous que c'est moi aussi que vous abandonnerez."
"J'ai éprouvé le besoin de me sentir plus près de ceux qui ont aimé Mireille, comme pour la garder encore."
"S'il me vient parfois une crainte, ce n'est certes pas d'oublier, mais de ne plus savoir parler, en termes authentiques 2, de celle qui m'ouvrait sa porte avec un nom plein de  tendresse et dont je lisais l'amour dans le geste ou le regard."
*
Cette chronique me valut deux lettres. De femmes. (Elles écrivent plus volontiers aux auteurs que les hommes.) Dans la première, on s'étonnait que moi, si peu enclin à user du je dans mes écrits, j'aie rompu ma réserve. Il est vrai qu'on n'avait pas encore lu le chapitre X ("Le testament") où l'on voit un être qui a la prescience d'une fin prématurée, prescrire avec force ses devoirs au survivant (en ignorant, faute inexpiable, sa propre parentèle):
"La fidélité, c'est une façon de faire vivre quelqu'un, de l'affirmer - non seulement la fidélité physique, mais le respect de ses désirs devinés, leur accomplissement [...]Si tu me perdais, je me réfugierais en toi, je te demanderais de me ranimer, de nous prolonger comme si rien n'était changé [...]  " (23 octobre 1963)
"Le respect de mes désirs devinés". Si je ne peux prétendre avoir toujours deviné ce qu'elle eût souhaité, je l'ai du moins assez fréquentée, assez bien lue, pour savoir ce qui l'eût révulsée et mise en rage. Aussi, pendant plus de vingt ans, ai-je adressé aux "femmes", puis à l'ayant droit en titre qui en prenaient à leur aise avec sa mémoire, plusieurs centaines de pages indignées. En vain, je l'ai dit: je faisais parler les morts, et savais-je si, après tant d'années, Elle n'aurait pas changé d'avis?
S'ouvrit un site aux fins de "contribuer" au rayonnement de l'oeuvre."
Ayant compris, dès les premiers apports, qu'allaient s'y déployer sans vergogne la niaiserie, une présomption qui ne craint pas le ridicule, une bonne conscience à toute épreuve, et qu'on allait s'employer à affadir une figure qui s'était, à quel degré, affirmée, imposée; en bref, qu'intrinsèquement médiocre, ce site serait, de surcroît mesquin, eu égard aux aversions et aux ostracismes de son animatrice,
je ne vis d'autre recours que d'user de moyens analogues: une chronique sur le net, pour divulguer enfin ce qui fut, sans crainte d'un démenti.
J'en conviens: la fidélité est une vertu tombée en  désuétude. J'ai donc tort de penser que le temps n'autorise pas les survivants à se permettre des "accommodements" alors que les dispositions dernières furent formulées en termes définitifs.
Et puis, mettons que je crois fondé le mot de Diderot repris pas Cocteau: "Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour."
*
J'ai rédigé cette chronique en pensant aux lecteurs, qui, faute d'un éclairage conforme aux faits, n'avaient pas pris toute la mesure  de cette "passante considérable". J'ai donc reçu les lignes suivantes avec le sentiment que mes mises au point successives n'étaient pas superflues:
"J'ignore quand s'achèvera votre chronique, mais je sais déjà que je ne pourrai plus relire les Lettres du même oeil, munie des clés que vous nous avez fournies: je serai désormais plus lente, plus attentive, comme si je déchiffrais ligne à ligne ce que Mireille  vous a écrit, en en pesant, en en scrutant les interlignes.
"Parce qu'il me semble la mieux connaître, plus intimement, je serai plus sensible à la perpétuelle alternance, au fil des jours, de ses bonheurs, de son mal être, de ses désarrois; de quoi avoir pour elle une sympathie accrue, et comme vigilante, tant on la voudrait continuellement heureuse.
"De même, ne pourrai-je rouvrir L'Amant sans percevoir entre ces textes et les extraits de lettres que vous donnez, tout un jeu de correspondances, comme s'ils se justifiaient les uns les autres, ce qui confirme qu'elle était bien une, quoiqu'elle écrive, et si semblable à celle que vous évoquez!
"Je ne soupçonnais pas, jusqu'ici, quelles difficultés elle rencontra pour être pleinement elle-même; les déchirements qu'elle connut à devoir, afin d'y parvenir, s'opposer à ceux qu'elle aimait. Plus sa figue s'étoffe, se précise, plus elle devient attachante; aussi, à vous lire, a-t-on une sorte de contentement: "Qu'elle était donc digne d'amour!"; une sourde rage, un accablement, se mêlant à ce plaisir de l'esprit: "Comment peut-on aimer si mal, de son vivant puis disparue, une fille, une  soeur pareille? Et quel gâchis pour une oeuvre par laquelle, quoi qu'elle en ait dit parfois, elle souhaitait durer?"
*
Dirai-je qu'à regrouper par thèmes les extraits de sa correspondance, j'ai moi-même vu se peindre avec un éclat renouvelé, une vigueur accrue, une personnalité qui, pour reprendre Saint-John Perse: "... joignait, à l'honneur d'être, la souveraineté d'aimer!"
D'une nature expansive, enthousiaste, elle fut, dès l'enfance, ardente à vivre. Levée avant l'aube par goût des commencements et sens des privilège, elle salue, lors de ses randonnées matinales dans la campagne, les fougères trempées de pluie et les morilles, le geai et la couleuvre; elle pactise avec chacun des quatre éléments et d'abord avec le vent - dont elle se dit folle.
De même, c'est tôt que se manifeste son refus des conventions sociales, familiales, et qu'elle se conduit en personne qui, ayant à faire, ne peut dissiper en vaines, en languissantes occupations, le temps qui lui est imparti.
Révoltée par l'injustice, la bêtise, la méchanceté, et la jalousie dont l'élève, l'étudiante trop brillantes eurent à souffrir - alors qu'elle ne faisait rien pour s'attirer la bienveillance de ses maîtres -, son mépris à l'égard des professeurs décevants, indignes d'enseigner, pouvant aller jusqu'à l'insolence.
Son père lui ayant inculqué l'exemplarité, elle fera de cette vertu, sans la moindre ostentation, le fondement de ses actes. La vanité lui est, du reste, inconnue; le décri envers soi l'emportant bientôt sur la satisfaction. Si un... noble orgueil anime l'étudiante soucieuse de ne pas décevoir ceux qui mettent en elle leur confiance, cela ressortit à cette "gloire" au sens du XVIIe siècle, que tout être de bonne race se devait d'acquérir et de préserver.
Il va de soi que le mélange de vif amour-propre et d'humilité ne la quitte pas quand elle écrit. Aussi la voit-on juger avec une sévérité extrême ses pages de la veille. (Au vrai, le mot d'extrême la définit en toute circonstance, et il s'accorde avec sa fascination avouée pour les limites, quitte à mettre sa vie en péril.)
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Si le lecteur de la chronique a pu relever, chez Mireille, ces traits de caractère, je suis moins sûr qu'il ait perçu l'étendue, l'ingéniosité de sa générosité. "Ce n'est pas une fille, m'écrivit sa mère, c'est un Saint-Bernard. Elle n'a pas dix-neuf ans et les heures qu'elle a consacrées au service des autres feraient déjà un total honorable dans une vie ordinaire d'adulte. Je crains que nous ne l'ayons bien mal élevée."
Elle devait se défendre des empiètements de la famille, mais ne cessait de supputer quel présent, même le plus déraisonnable, serait le plus apprécié de chacun.
Manquant de temps pour son travail, elle en trouvait pour secourir une camarade dans la peine. Un étudiant absent à un cours la prie-t-il de lui prêter ses notes? En scrupuleuse-née, elle passera plusieurs heures à les recopier afin qu'elles soient parfaitement lisibles et intelligibles pour le lecteur. (Sans doute aura-t-elle, quelques mois avant sa fin, une révolte contre l'étudiante modèle, l'être conforme aux voeux de chacun, mais la subversion fera long feu.)
Quant à sa bonne grâce, à son aménité, à son intelligence du coeur, sa mère m'écrivit qu'elles firent s'exclamer maints et maints après sa mort: "Ah! le sourire de Mireille!"
Mais j'abrège, mon propos tournant à une hagiographie qu'elle n'eût pas goûtée. Et puis, on sait bien que le vrai peut n'être pas vraisemblable.
*
Ainsi prend fin cette chronique que je n'avais pas délibéré d'écrire: un site Mireille Sorgue venant d'être crée, il me parut, dès la lecture de la biographie, qu'il ne saurait qu'être intrinsèquement piètre, voire dérisoire (soit, en d'autres termes, "si insignifiant qu'il mérite d'être tourné en ridicule"). Il importait donc d'y parer, ce que je fis, avec le constant souci de revenir aux sources.
Cette chronique s'achève, mais il va de soi que je la reprendrais si je le jugeais nécessaire: j'ai le sentiment de n'avoir encore rien dit!
*
*
1 Recueil de poèmes de Paul Eluard composés après la mort de Nush, sa compagne.
2 Que l'on voudrait donc trouver pareil scrupule chez qui l'a... côtoyée vingt années!
*  *  *
Décembre 2011
J'ai légué les écrits de Mireille en ma possession au Conseil Général du Tarn-et-Garonne, qui en assurera la conservation et la mise à disposition des  chercheurs.
Leur accès sera réservé: 
aux professeurs excipiant de leurs titres et fonctions; 
aux étudiants produisant une lettre de leur directeur d'études propre à justifier la demande de consultation des documents. 
Ce qui exclut les simples curieux et, bien sûr, Celle qui, au mépris des volontés expressément formulées par sa soeur, se prévaut, grâce à la loi, d'un "droit de regard" sur ses écrits.
Droit de regard, je le précise, qui ne saurait porter que sur leur hypothétique diffusion.
Aux termes de la loi, le destinataire d'une lettre est propriétaire de son support matériel. Il ne peut la publier sans l'autorisation du détenteur du droit patrimonial. Lequel, en aurait-il copie, ne peut non plus la publier sans l'accord du destinataire ou de ses exécuteurs testamentaires. Accord qui, en la circonstance, ne serait pas donné, eu égard à certaine réédition de L'Amant (voir chapitre XIV)
Le droit moral de la famille s'exerçant pendant les 70 ans qui suivent la mort de l'auteur, c'est en 2037 que la publication des Lettres inédites, alors tombées dans le domaine public, pourra être envisagée. 
Elles n'ont pas plus à craindre le temps que les liqueurs qui vieillissent en fûts de chêne.
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*  *  *

NOTE
(Mai 2014)
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Le 27 décembre 1963, Mireille Sorgue m'écrivait (Lettres à L'Amant, Tome II, p.69) :"Bien sûr que j'ai grand envie de devenir une moderne Louise Labé, puisque tu crois que je le peux, mais je n'ai pas envie qu'on me reconnaisse - les autres, par leur simple curiosité sont terriblement voraces..."
S'ils n'étaient que voraces!
Etudiante, elle s'irritait de quelques pécores et autres énergumènes outrecuidants qui n'avaient de cesse, dans un cours, d'étaler leur sottise. Ils n'étaient alors que quelques-uns, et le silence désaprobateur de l'auditoire abrégeait leurs interventions intempestives.
Avec la mirifique invention du NET, ils sont aujourd'hui légions qui entendent bien que l'univers entier sache qu'ils existent.
L'âme est souvent basse et l'esprit en veilleuse. Fruits secs (et qui le savent), sans une once de sensibilité, nés avec l'envie au coeur, le NET leur a révélé leur vocation: requérir à charge; être l'émule du procureur de La Tête des autres, de Marcel Aymé. Se revancher de sa médiocrité en décriant, en avilissant. Et faire, de la "toile", un cloaque où déverser sa bile, ses sanies et sa fiente.
Avec, en ce qui me touche, la complicité d'une grande âme qui feint de prendre ses distances, mais qui fournit à foison à sa coterie d'affidés, médisances et calomnies - et se pourlèche de la curée.
Faut-il invoquer Guitry: "Si ceux qui disent du mal de moi savaient ce que je pense d'eux, ils en diraient bien davantage!" Ou Paul Valéry: "Tous nos ennemis sont mortels" ?
Non, car on m'écrit en manière de bravade: "J'ai tout mon temps." Parole fort imprudente de qui n'a pas médité cet avertissement de cadran solaire: "Il est plus tard que tu ne penses."
Et de m'enjoindre  de faire droit à un voeu de Mireille Sorgue quand soi-même on bafoue avec bonne conscience et sans vergogne ses expresses dispositions.
*
Non, les autres ne sont pas que voraces, et Elle eût été révulsée de voir ses écrits  devenus prétexte, objet, aux mains de sinistres "redresseurs de tort" abusés, excités par la seule qui L'ait "connue" (si l'on peut dire!)
*
Quel bonheur, dès lors, de découvrir un blog intitulé "Mireille Sorgue, Autres regards", crée par une femme cultivée, qui, à l'évidence, connaît l'oeuvre par coeur, et par le coeur, et s'emploie humblement, loyalement, à La servir en multipliant les consonances matérielles, spirituelles, des écrits avec la Création et les productions artistiques humaines. La seule postérité que Mireille eût souhaitée.
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*  *  *





samedi

15 mai








EN MARGE DU SITE DE MIREILLE SORGUE






* * * * * * * * * * * * * * XVI - Les « phares »




N'ayant pas été « autorisé », même tacitement, par la petite sœur à voir, dans les écrits de Mireille Sorgue, des accents de Saint-Jean de la Croix ou de Thérèse d'Avila – mystiques qu'elle n'avait, à ma connaissance, pas lus (cf.chapitre IX la difficulté d'être), je me bornerai à indiquer, à l'intention des futurs exégètes de l'œuvre, les auteurs, les œuvres, qui l'ont, à quelque degré, requise.


Dans un cahier datant de l'adolescence, on trouve, copiées avec application, des pièces de Nerval, Verlaine, Apollinaire, Jammes… Musset y est présent avec « La Nuit de mai », Rimbaud avec une quinzaine de morceaux. Y figurent également la tirade de Mercatio sur Mab, la Reine des Fées, dans Roméo et Juliette, la prière d'Iphigénie selon Euripide et Racine, des passages de Claudine à l'école et de Sido.


Aragon poète, à l'honneur vers 1962, ne tiendra bientôt plus guère de place dans le panthéon littéraire de l'étudiante. C'est que le temps des « alliés substantiels » est venu, parmi lesquels, pour le XXe siècle, Proust et Saint-John Perse, Rilke, Eluard, Char et Giraudoux, Bachelard et Milosz, Apollinaire et Garcia Lorca dont on a, en espagnol, l'œuvre complète. Sans omettre les Lettres d'Héloïse, le Claudel des Cinq grandes odes et de Partage de midi, le Camus de L'Étranger et de La Peste, le Ramuz de Derborence.


Mireille tenant qu'un auteur doit être abordé sans idée préconçue, par son œuvre, sa bibliothèque était pauvre en ouvrages de critique. Je ne me souviens que d'un volume de Jean-Pierre Richard : Onze études sur la poésie moderne et, vénérés, du Journal et des Approximations de Charles Du Bos, où la critique est création.


En revanche, s'y côtoyaient en abondance des recueils de poètes. Pêle-mêle, Maurice Scève et Catherine Pozzi, Yves Bonnefoy et Jean Follain, Pierre-Jean Jouve et Jean-Paul de Dadelsen, le Carnac de Guillevic et les Cantos d'Ezra Pound, Marie Noël et un recueil de poèmes de troubadours.




Louise Labé a, parmi ces poètes, une place privilégiée. Mireille décide, à la fin de 1963, de faire connaître à ses condisciples la figure et l'œuvre de « la belle cordière » qu'elle admirait. Elle demande donc à l'un de ses professeurs l'autorisation de faire un exposé coupé par la lecture de maints poèmes, ce qui lui est accordé. Il en subsiste trente pages de cahier. Parmi les dernières lignes : « C'est surtout une œuvre libératrice […] dans la mesure où cette voix crie ce que la plupart ne savent ou n'osent dire ; dans la mesure où elle délivre les amants de leur mutité.


« On ne saurait prêter à cette œuvre de soutien plus fervent que celui d'Eluard par son "Dit de la force de l'amour" :


'Hommes, femmes, en proie au délire de l'amour,


à haute voix criez je t'aime


dites ce que vous ressentez, par-dessus toutes les contraintes, vous ne le regretterez pas,


Vous n'avez pas d'autre occasion d'être sincère.' »


(Ce qui était revendiquer pour soi-même la liberté de parler de l'amour sans entraves.)




Bien qu'elle ait, plus tard, accepté de faire un exposé sur le thème de Narcisse chez Valéry, il me semble que son estime pour le poète de Charmes n'allait pas jusqu'à la révérence ; mais elle aurait à coup sûr prisé ses proses poétiques, alors inédites, de l'Alphabet et de Poésie perdue, et surtout ses poèmes amoureux de Corona et Coronilla. De même ne fut-elle pas une grande lectrice de Gide, de Mauriac, de Céline, voire de Giono alors même que la Provence était son fief d'élection.


Il est vrai que les auteurs au programme, dès lors qu'on en voulait prendre une connaissance directe et étendue, suffisaient à occuper les heures consacrées à la lecture.




J'ai dit, dans « La difficulté d'être » (chapitre IX) ce que furent, dans ses dernières années, sa tentation de s'affranchir du rationnel, du… raisonnable ; celle de passer outre les bornes que la société nous assigne. Comme si elle se cherchait, dans l'ordre littéraire, des devanciers, des garants, on la voit alors très attirée par l'ésotérisme, le mysticisme. Elle lit avec contention Nerval, André de Richaud ; elle recopie « les baisers de l'amour céleste » du poète baroque allemand, prophète et illuminé, Quirinus Kuhlmann. Fascinée par le catharisme, la religion des Parfaits, elle suit, en 1964-1965, les cours d'ethnographie occitane de René Nelli, et revient, de chacun d'eux, dans un grand état d'exaltation.


Malraux tient l'érotisme pour une valeur. C'est aussi son sentiment. Si elle ignore Restif de la Bretonne et un Sade qui lui eût sans doute paru par trop grossier, répétitif et dépourvu de poésie (mais les ruines de son château, à Lacoste, l'ont retenue), elle s'enchante des gaillardises du sieur Papillon de Lasphrise et ce sont les images érotiques des Poèmes à Lou, d'Apollinaire, qu'elle choisit d'étudier dans son mémoire. La mort l'empêcha d'y travailler, mais le poème qui clôt le tome I des Lettres, « La première nuit », prouve qu'en ce registre, on peut atteindre – hardiesse et décence mêlées – à un sommet de lyrisme charnel. Or elle vit, elle écrit en un temps où la libéralisation des mœurs est encore à venir ; où la censure s'exerce sur les ouvrages jugés « licencieux » ; où auteurs et éditeurs sont poursuivis, condamnés.


La nouveauté de son entreprise est patente : il est sans exemple, dans la littérature, qu'une femme auteur ait eu le dessein de célébrer l'amant… dans tous ses états. (Ah ! le silence des foules de femmes qui furent chantées, Nush Eluard comprise !) De surcroît, l'autorité, l'intrépidité de l'écriture, jointes à sa tranquille audace, rendent l'éloge plus provocant encore. Ce qui explique d'ébahissement de la critique quand parut L'Amant. Pour la première fois, une femme répondait aux multiples blasons et cantiques à la gloire du corps féminin par une louange… intégrale de l'homme de chair, et du grand plaisir qu'une amante bien née en retire !




Les commentateurs de demain relèveront, sans nul doute, maintes influences, même si des critiques ont écrit que sa voix n'était qu'à elle. Je dirais plutôt qu'elle s'est éprouvée, avec ferveur, aux lyriques de haute stature de son siècle ; qu'elle a puisé chez certains – dont le Claudel de « L'esprit et l'eau », le Saint-John Perse d'Éloges et d'« Étroits sont les vaisseaux » –, cette profération à perte de souffle qui nous saisit dans sa « Célébration de la main ».


Pour moi, je déplore qu'elle n'ait pas connu ou pu connaître des œuvres qu'elle eût saluées, justifiées, à voix de gorge que l'émotion, la gratitude, étreignent. Ainsi du Livret des Folastries de Ronsard, de Platero et moi de Jimenez, des recueils de Pablo Neruda, du Journal, et d'abord du saisissant Journal d'adolescence de Catherine Pozzi, des œuvres de Marguerite Yourcenar, ou encore de la Cathie de Heilbronn de Kleist, des lettres d'Emily Dickinson, de ses poèmes surtout, à conformation de rose des sables ou de géode, où les multiples tirets sont comme un doigt qui, transversal, scellerait à chaque instant les lèvres de la diseuse.


Et ce sont là des regrets qui valent pour toutes les formes de l'art. On assiste aux concerts des Jeunesses musicales de France, à ceux de l'Orchestre de chambre du Capitole de Toulouse que dirige Louis Auriacombe, et sans doute Corelli, Mozart, ont-ils de grand charmes, mais si on fut galvanisée par Le Sacre du Printemps, je ne crois pas qu'on ait connu les Carmina Burana, ou ce Quatuor pour la fin du Temps, de Messiaen, qui lui eût arraché des lignes extatiques.


Elle avait vu beaucoup de peinture. Pourtant, je ne me console pas de ne l'avoir entendue commenter Klimt, Paul Delvaux, le Balthus paysagiste… Et qu'elle se fût donc attachée aux « visions » de l'humble et farouche Séraphine de Senlis !


Mais qui dira la sombre mélancolie, la sorte de ressentiment, qui nous viennent, de ne plus pouvoir partager avec l'être qui en serait le plus digne, et dont une parole – de créateur – achevant de nous dessiller les yeux, nous donnerait à voir !
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