* * * * * Textes divers, dont une chronique "En marge du site Mireille Sorgue".

Bienvenue...

sur le blog de François Solesmes,
écrivain de l'arbre, de l'océan, de la femme, de l'amour...,
dédicataire de L'Amant de Mireille Sorgue.


Le 1er et le 15 de chaque mois, sont mis en ligne des textes inédits de François Solesmes.

Ont parfois été intégrées (en bleu foncé), des citations méritant, selon lui, d'être proposées à ses lecteurs.


La rubrique "En marge du site Mirelle Sorgue" débute en juin 2009 , pour se terminer en juin 2010 [ en mauve]. Deux chapitres ont été ajoutés ultérieurement, dont un le 1er octobre 2012. A chercher, dans les archives du blog, en mai 2010 (1er juin 2010), à la fin de la "Chronique en marge du site de Mireille Sorgue".
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BIBLIOGRAPHIE THEMATIQUE

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LA FEMME
Les Hanches étroites (Gallimard)
La Nonpareille (Phébus)
Fastes intimes (Phébus)
L'Inaugurale (Encre Marine)
L'Étrangère (Encre Marine)
Une fille passe ( Encre Marine)
Prisme du féminin ( Encre Marine)
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L'AMANTE
L'Amante (Albin Michel)
Eloge de la caresse (Phébus)

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L'AMOUR
Les Murmures de l'amour (Encre Marine)
L'Amour le désamour (Encre Marine)

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L'OCEAN
Ode à l'Océan (Encre Marine)
Océaniques (Encre Marine)
Marées (Encre Marine)
L'île même (Encre Marine)
"Encore! encore la mer " (Encre Marine)

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L'ARBRE
Eloge de l'arbre (Encre Marine)

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CRITIQUE
Georges de la Tour (Clairefontaine)
Sur la Sainte Victoire [Cézanne] (Centre d'Art, Rousset-sur-Arc)

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EDITION
Mireille Sorgue, Lettres à l'Amant, 2 volumes parus (Albin Michel)
Mireille Sorgue, L'Amant (Albin Michel) [Etablissement du texte et annotations]
François Mauriac, Mozart et autres écrits sur la musique (Encre Marine) [ Textes réunis, annotés et préfacés]
En marge de la mer [ Texte accompagné de trois eaux-fortes originales de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Galets[ Texte accompagné des trois aquatintes de Stéphane Quoniam ] Éditions "à distance".
Orages [ Texte accompagné d'aquatintes de Stéphane Quoniam] Editions "à distance".

Textes publiés dans ce blog / Table analytique


Chroniques
Mireille Sorgue
15/03/2009; 15/06/2009-1er/06/2010
L'écriture au féminin 1er/03-15/12/2012
Albertine (Proust) 15/01-15/02/2011
Les "Amies" 1er/03-1er/04/2011
Anna de Noailles 1er / 11 / 2017 - 1er / 01/2018
Arbres 1er/06-15/08/2010
L'Arbre en ses saisons 2015
L'arbre fluvial /01-1er/02/2013
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 15/10 - 15/11/2015
Mireille Balin 15/11/10-1er/01/2011
Rivages 15/02-15/04/2013
Senteurs 15/09/2011; 15/01-15/02/2012
Vagues 1er/10/2011-1er/01/2012
"Vue sur la mer" été 2013; été 2014; été 2015; été 2016
Aux mânes de Paul Valéry 11 et 12 2013
Correspondance
Comtesse de Sabran – Chevalier de Boufflers 15/01/14-15/02/14
Rendez-nous la mer 15/03 - 1/06/2014
Séraphine de Senlis 2016

Textes divers
Flore

Conifères 15/06/2014
Le champ de tournesols 15/07/2010
La figue 15/09/2010
Le Chêne de Flagey 1er/03/2014
Le chèvrefeuille 15/06/2016
Marée haute (la forêt) 1er/08/2010
Plantes des dunes 15/08/2010 et 1er/11/2010
Racines 1er/06/2016
Sur une odeur 1er/03/2009
Une rose d'automne 15/12/2015-15/01/2016
Autour de la mer
Galets 1er/07/2010
Notes sur la mer 15/05/2009
Le filet 15/08/2010
Sirènes 15/09/2018
Autour de la littérature
Sur une biographie (Malraux-Todd) 1er/05/2009
En marge de L'Inaugurale 1er/01/2009
Sur L'Étrangère 15/06/2010
De l'élégance en édition 15/06/2009
En écoutant André Breton 15/01/2009
Lettre à un amuseur public 1er/02/2009
Comment souhaiteriez-vous être lu? 1er/06/2009
Lettre ouverte à une journaliste 1er/09/2011
Maigre immortalité 10 et 11 / 2014
Lettres de Juliette Drouet à Victor Hugo 2015
La Femme selon Jules Michelet 2016
La Mer selon Jules Michelet 2016
Gratitude à Paul Eluard 1/05/2016

Autres textes
L'ambre gris 15/10/2010
Ce qui ne se dit pas 15/06/2010
La blessure 1er/12/2015
La lapidation 1er/09/2010
Où voudriez-vous vivre? 1er/04/2009
Pour un éloge du silence 1er/10/2010
Sur le chocolat 15/04/2009
Annonces matrimoniales 15/04/2011
Tempête 15/02/2009
Le rossignol 1er et 15/05/2011
Nouveaux Murmures mai et juin 2013
Variations sur Maillol 15/01/15
Sexes et Genre 02/15 et 01/03/15
Correspondances


OEUVRES INEDITES
Corps féminin qui tant est tendre 1er janvier - 1er septembre 2018
Provence profonde 15/10/2016 - 15/10/2017
Sirènes (pièce en 5 actes) 1er octobre - 1er décembre 2018


samedi

15 mai










LE Rossignol


II



Il faudrait plus que le chatoyant génie d'un Olivier Messiaen pour transcrire, non pas en notes comme il le fit pour son Catalogue d'oiseaux, mais en mots le chant des oiseaux virtuoses.


« Donner à voir » est malaisé ; mais donner à entendre ! Qui saurait restituer pour un lecteur, l'expiration indéfinie d'une pinède littorale qu'assaille et presse, au soir d'un jour torride, un compact vent d'Ouest ; ou, en ce même vent, loin dans les terres, ténues, subliminales, les mouvantes efflorescences de l'Océan ?


Il faudrait, pour seulement suggérer le chant du rossignol en amour, une langue apte à rivaliser avec lui en promptitude, agilité, invention, autorité. Plume trempée dans l'or liquide, une écriture étourdissante de surprises et de bonheurs d'expression à la lettre ininterrompus. Encore l'auteur, fût-il sténographe, sortirait-il de cette joute humilié, accablé, et se tiendrait-il pour un tâcheron.



En ce coin de campagne en semi déshérence où je suis, buissons et boqueteaux témoignent encore d'un temps de pacage, de fenaison, de moissons. Aussi les oiseaux ne l'ont-ils pas tout à fait déserté, et l'espace, au printemps, se peuple-t-il d'invites. Tel mâle festonne les airs de roucoulements ou attend une compagne dans la nasse de ses gazouillis ; tel caquette ou clabaude ; mais la plupart se répètent à satiété et l'on sent bien que le couple connaîtra tôt l'ennui des pigeons qui « s'aimaient d'amour tendre ». Pourquoi, une fois l'espèce identifiée, prêterions-nous l'oreille à ces ramages immuables ? Pour diverse que soit la gent ailée, ses chants, ses cris, participent du fond sonore des alentours, avec le pépiement d'une averse sur le toit, le claquement d'un volet, le grommellement étouffé d'un avion.



Le rossignol n'est pas un chanteur de charme cultivant le cantabile. Étourdir ! Confondre ! Essouffler ! Harasser !... Tels sont ses impératifs. Le temps bref, en guise de prélude, d'un crescendo appuyé jusqu'à la raucité – et il est à l'œuvre. Je ne le vois : sa note ascendante n'a pu que le propulser à la cime, seul lieu qui convient à une créature d'exception. Y avait-il, au sommet de l'arbre, un bloc de jais, d'ébène ? Le jour est clair, mais c'est à une masse « d'outre-noir » que l'oiseau s'attaque. Une masse que la nuit accroîtra sans limites, et le ciseleur de s'en exalter, son ouvrage n'en reluisant que davantage.


Il travaille dans l'urgence, sans reprendre haleine. Son « J'ai à faire ! » exclut l'alanguissement, le répit même que le tourneur, le verrier, s'accordent pour apprécier l'ouvrage. Mais c'est la hâte maîtrisée qu'autorise la sûreté du faire. Nulle hésitation ni retouche : d'emblée la rigueur de ce qui coule de source, irrépressible. Et certes, la « rigueur obstinée » s'assortit de dureté : on se montre à la fois expéditif et imperturbable, comme si l'oiseau n'aimait rien tant que l'injonction et le diktat.


Et nous voici qui suspendons nos occupations avec le sentiment d'un événement inouï – et captivant : un artiste se produit qui fait paraître ternes, besogneux, tous les choristes ; qui les réduit au rang de comparses. Et nous n'entendons plus que lui qui jongle avec les notes, les fait voltiger, pirouetter, grelotter ; qui les égrène, les bouscule, les arpège, les picore, les projette en un tir groupé, les rattrape au vol, les frotte les unes aux autres, les martèle, les enfile comme autant de perles sur un fil rigide.


Le chant de la plupart des oiseaux est convenu, prévisible. L'oreille devance celui du moineau, du ramier, de la mésange. À présent, l'improvisation est de règle. À peine a-t-on perçu trois secondes de clavecin de Bach, que suivent sans une pause un effleurement de harpe ou de xylophone, un son filé, un bref sifflet épuré, quand celui du merle, expert en verroterie, est du voyou hélant une fille dans la rue.


Foin des adagios, soupirs, fioritures : d'un gosier infatigable, il enchaîne d'un trait sautillés, trilles, staccato. Des notes s'ébrouent, d'autres fusent et s'éteignent comme flammèches. C'est que la partition fourmille d'indications telles que prestissimo, vivace, animato, agitato, attaca, ad libitum…


Et l'on écoute, subjugué d'évidences, comme on verrait un trapéziste se produire sans filet, sûr de réussir les rétablissements les plus risqués ; comme on entendrait la coloratura desceller du lustre l'une de ces notes qui, atteintes, cueillies, vous mettent une salle debout.


Maître en ruptures, en reprises, syncopes et enchaînements, il est l'imprévu conjugué à la vélocité. Aussi ne peut-on s'habituer à ses perpétuelles variations rythmiques et harmoniques.


Nul ne songerait à lui dire : « Étonne-moi ! », tant il ne cesse de nous étourdir. De sa prestesse, au point qu'il nous semble l'entendre s'éperonner : « Plus vite !... Plus vite ! » De sa race : laissant au commun les soigneuses lenteurs, les suavités, les redites sempiternelles, il mise, pour conquérir, sur son dur velouté, percutant, péremptoire et une inventivité sans frein.


Il me plaît de croire que l'arbre dont il est l'hôte, se fait, de son feuillage, une assistance médusée par le soliste virtuose. Les gazouillis, jacassements, criailleries, croassements, s'y dissipent dans le bruissement du feuillage. Mais cette voix qui vous éclabousse de copeaux sonores, et fait pièce à tout autre son !... Ce chant que la nuit sertit si exactement, que le temps même écoute !... Et n'est-ce pas là, plutôt, en un filon ouvré – « l'or du temps » ?



Que de leçons devraient en tirer l'écrivain, le poète ! De rigueur, de concision dans l'opulence ; d'inattendu dans l'écriture, qui ait aussitôt force de nécessité ; de rectitude dans le dessein ; de tension dans le cheminement. La leçon, encore, d'un langage qui se refuse la complaisance jusque dans la prodigalité ; qui jamais ne se grise de soi ; qui, dès les premiers mots impose, singuliers, uniques, sa tonalité, son timbre, son mode de pénétration, de colonisation, chez le lecteur. Pour la fécondation de son présent ; pour le souvenir mordoré qu'il en gardera.



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Les Murmures de l'amour


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L'amoureuse


Moi qui ne suis peintre, écrivain ou compositeur, laisse-moi donner ma mesure dans cet art difficile : dresser un écran entre la mort et l'aimé.


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L'amoureux


Tout s'est passé comme si je t'avais désignée, alors que personne ne faisait attention à toi : « A présent, c'est à vous de chanter. » Ces mots dits par une confiance instinctive en la sonorité, en la docilité de l'instrument.


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François Solesmes, Les Murmures de l'amour, Encre marine.


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dimanche

1er mai





LE ROSSIGNOL



I



Les ornithologues sont poètes, et je prononce avec un plaisir de gorge les noms qu'ils donnèrent aux oiseaux, souvent suivis d'une épithète ou du lieu de prédilection du volatile. C'est ainsi qu'il est des chevaliers gambettes, des rousseroles effarvattes, des pouillots véloces, des mésanges charbonnières, des huppes fasciées, comme il est des cailles des blés, des râles des genêts, des fauvettes des jardins…



Et qu'on ne s'avise de parler des chouettes sans préciser si elle est chevêche, chevêchette, hulotte ou effraie ! De hibou en ignorant qu'il peut être grand, moyen ou petit-duc.



En fait de nom, il en est des oiseaux comme des humains dont certains sont affublés de patronymes peu engageants. Aussi se sent-on moins attiré par le corbeau freux, la pie grièche, voire le traquet terrier ou le fou de Bassan, que par la bergeronnette printanière, la tourterelle, la mésange nonnette, la fauvette grisette. Pour ne rien dire de l'alouette des champs vers laquelle on lève la tête quand, invisible dans les aigrettes du soleil, elle égrise, elle pulvérise du cristal pour en répandre à la ronde l'éclat.



*Il est plaisant d'entendre le coucou. N'aurions-nous pris garde aux véroniques, aux ficaires, aux pâquerettes, que nous saurions, par lui, que le printemps est en vue. Pourtant, ce n'est pas sans condescendance que nous l'écoutons : « On ne peut dire que tu te mettes en frais ! As-tu si peu d'esprit que tu rabâches mornement, à la façon de ces vieux disques sur lesquels l'aiguille achoppait sans fin, aux mêmes mots ? Qui espères-tu séduire par un propos aussi simpliste, hormis une compagne aussi peu causante que toi ? Vraiment le créateur ne t'a pas gâté ! Il devait manquer d'inspiration, à moins qu'Il t'ait destiné au rôle de faire-valoir pour le loriot ou l'hirondelle. Ne pourrais-tu, encore, cesser de jouer à cache-cache ? On le sait que tu te dissimules à demi derrière. Derrière quoi, au juste ? Un tronc d'arbre ? L'arête d'un mur ? Un rebord de nuage ? »



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*– « Il est revenu !... » Le jour qui commence à scinder les volets clos devrait désormais luire sur un monde en ordre. Des années durant, il avait élu un chêne proche pour y publier ses amours. Au jour près, il était là pour des mois, exténuant de son chant tous pépiements, babillages, jasements, roucoulements. Montait vers lui, tel un encens, l'arôme d'un bouquet de seringa, celui d'un pampre de chèvrefeuille. Il ne s'interrompait pas même quand, m'apercevant, le geai des chênes poussait son aigre cri d'alerte. Un cri que je percevais comme une incongruité : l'oiseau ne m'avait donc jamais vu pourchasser le moindre chat à vociférations gesticulantes, une poignée de gravier en main, depuis que j'avais découvert, au pied de l'un de mes arbres – corolle défaite de grande marguerite – le plumage d'une tourterelle ?



*Je me souviens du premier printemps où le calme s'étendit en nappe d'huile autour du chêne d'élection, jusque sur mon toit. Un silence assez semblable à celui qui rend les arbres pensifs, quand s'agrège, en un ciel d'étain, le premier coup de tonnerre. Était-il mort ? Et, si oui, sa descendance serait donc sans mémoire ? Aurait-on jeté un sort sur cet enclos, ce logis ? À l'imperceptible assombrissement des plus beaux jours, je mesurais quel surcroît de clarté ils devaient à un joaillier à l'œuvre en un feuillage luisant. Et de me souvenir du mot de Proust selon lequel il y a « dans l'essence même du présent une imperfection incurable ».



J'ai daubé, tout à l'heure, sur la simplesse du coucou. On me rétorquerait que si la Nature abonde en cris d'oiseaux discordants, en chants de pariade rudimentaires, bien d'autres sont gracieux, qu'ils aient des irisations d'agate, de profuses modulations, un babil de source… À n'en pas douter : j'ai entendu la linotte mélodieuse parée du tulle d'un gazouillis inextricable, sautiller, faire des pointes avec une prestesse de vif argent ; la grive musicienne étager des bribes de trilles d'une ténuité de fibrilles, et nous montrer, par ses torsades, l'extrême ductilité de l'or gris.



J'ai entendu la fauvette Orphée – celle de Grèce – filigraner l'azur d'un dur brouillamini de notes suraiguës. Et l'oreille bientôt renonce, agressée par tant de célérité incisive dans la pirouette et le trémoussement ; tant d'ostentation dans le dessein d'en imposer.



Mais le rossignol !



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Les Murmures de l'amour



*L'amoureuse



Il me plaît de croire que, dans le paysage où nous nous sommes rencontrés d'abord, comme dans ceux qui nous virent après, une ombre double suscite, pour les hanter, des « chambres de feuillage ».



* L'amoureux


Voici l'été, oui, à portée de main, de sein : l'étincellement bas des grillons, le chant en porte-à-faux du coucou le disent, avant même que le rossignol ne fourbisse ses menus galets dans le soir. L'été vient. À belle fille dans l'été, bel été autour de cette fille, nécessairement.



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François Solesmes, Les Murmures de l'amour, Encre marine.



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